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CARTE D’AFFRONTEMENTS

Les doutes assaillent la majorité. L’opposition s’énerve. Mimi Touré s’impatiente. Le jeu politique s’anime au sein d’un échiquier atypique. Tout acte posé aujourd’hui a un lien direct avec la présidentielle prévue en 2024. Quelque seize mois nous séparent de cet horizon calé dans tous les agendas.

Chaque acteur politique s’y prépare, selon sa propre stratégie, ses moyens et les objectifs qu’il s’assigne. À tous, le temps semble court. Mais à la lecture d’une fuyante conjoncture, on est transporté par le sentiment qu’une grosse part d’ombre persiste toujours.

Un constat factuel navigue entre fronde, supputations ou malveillance sur fond de rivalités naissantes qui, pour l’instant, ne se révèlent pas au grand jour. L’heure n’est donc pas aux certitudes.

En revanche, les uns et les autres caressent le rêve d’attirer les attentions sans intention de s’afficher. Pour tout le monde, le « moment crucial » est attendu, scruté, pesé et soupesé.

Khalifa Sall, mentor des jeunes loups de Yewwi, ne calme pas le jeu. C’est à croire qu’il en tire un certain avantage ou un avantage certain. Il n’est pas perdant, puisque, du radicalisme incarné, il y a un gain politique à récolter à moyen terme.

L’ancienne Première ministre, récemment élue députée a, elle, déjà franchi la ligne Maginot. Elle s’écarte de son camp, se veut désormais « non inscrit » à l’Assemblée nationale et projette de se porter candidate à l’élection présidentielle de février 2024. Pour avoir « tout supporté », la voici qui prend désormais ses distances avec le Président. Elle le voue aux gémonies.

Ce dernier préfère s’emmurer dans un épais silence que personne ne parvient encore à décrypter. Il y a, à l’évidence, un affrontement qui se dessine au sein d’une majorité déjà vulnérable par son faible poids de représentativité à quoi s’ajoute maintenant son déficit de cohérence avec le retrait de sa « tête de liste ». Des risques s’amoncellent.

L’action de rupture enclenchée par Mimi Touré inaugure une période mouvementée. Elle affirme avoir beaucoup donné sans rien recevoir en équivalence. Le propos est sûrement acerbe et reflète l’état d’amertume qui envahit l’ancienne Présidente du Conseil économique social et environnemental. Sa ligne de défense demeure toutefois très peu convaincante en raison des éminentes fonctions occupées antérieurement.

Pour n’avoir pas dit son dernier mot, Mimi remonte sur son cheval. Elle coupe court à toute docilité et brandit des preuves de fidélité comme des gages d’un réengagement judicieux.

Férue d’histoire politique, Mimi Touré savoure donc cette séparation et goûte au plaisir de rejoindre d’illustres prédécesseurs, en l’occurrence feu Djibo Ka et Moustapha Niasse dont les retentissants départs du Parti socialiste avaient sonné le tocsin et précipité le naufrage du régime de Abdou Diouf.

La démarche de Mimi s’inscrit-elle dans le sillage de ses prestigieux devanciers ? Ces derniers avaient osé quitter la « maison du père » pour se forger un destin en croyant à leurs étoiles respectives. Mimi change-t-elle de ligne pour garder une ligne directrice de ses initiatives dans le futur ?

Elle va naturellement opérer une rectification de trajectoire pour dégager un positionnement pour le moins singulier. Sa période de réflexion sera aussi courte que ses initiatives seront limitées dans une séquence temporelle où l’incertitude le dispute à l’aléatoire.

Son sillon tracé, le contexte invite à la prudence. Car des épreuves vont jalonner son parcours. Sans l’approuver, on peut néanmoins la comprendre. Elle doit s’attacher plus à convaincre qu’à fustiger. Partie avec « armes et bagages », elle laisse derrière elle les acquis sur lesquels elle pourrait agréger des forces. Qu’envisage-t-elle de faire une fois « dehors » ? Son positionnement sera-t-il tenable face à une opposition qui la snobe et un pouvoir qui lui dérobe son mérite. De fait, son habileté politique va s’éprouver au contact de ce magma de complexités avec une touche d’agit-prop servi par un sourire toujours enjôleur.

Que vaut alors le silence présidentiel ? Comment apprécie-t-il les provocations de son ancienne Première ministre ? A-t-il conscience d’avoir commis des erreurs de pilotage dans des dossiers politiques chauds ? A ce stade, appartient-il au président de la République de redonner une impulsion pour ne pas « subir les évènements » ?

En vérité, les enjeux sont trop importants pour qu’il s’en désintéresse. Cela dit, a-t-il les moyens d’une nouvelle recomposition politique, même avec un APR très peu inspiré et très peu porté à défendre un bilan, fut-il flatteur ? Il devient clair qu’en nommant Amadou Ba Premier ministre, le Président Macky Sall s’employait à contenir les prétentions de Mimi Touré à occuper de plus hautes fonctions.

L’exercice paraissait périlleux mais à l‘arrivée le spectre de la fronde s’est rétréci. Le retour avec panache aux affaires de l’ancien argentier, qui a aussi tâté la diplomatie, aère le dispositif de prise en charge des urgences avec une équipe gouvernementale certes pléthorique, mais « opérationnelle au plus vite », selon le nouveau Premier ministre. Va-t-il apporter une valeur ajoutée au pouvoir en place ?

Son parcours et sa connaissance aiguë de l’économie et des finances, représentent pour lui des avantages comparatifs et compétitifs pour emprunter les jargons des milieux financiers. Reste tout de même à circonscrire l’espace de la fronde tout en surveillant les arrières à mesure que se rapproche l’échéance de l’élection présidentielle qui sera sans doute la plus disputée de l’histoire politique récente du Sénégal.

Au détour de certains parallèles, l’offre politique actuelle s’affaiblit par un manque notoire de projection et un abandon des égos au profit d’une intelligence collective en faveur du pays. Ce dépassement pourrait être salvateur dans la conquête d’une place de choix sur la scène mondiale.

En détenant en abondance du gaz et du pétrole situés à proximité des marchés conséquents, le Sénégal joue son va-tout pour tirer avantage de ses richesses sans obérer ses chances de réussite. Nous allons à la découverte d’un secteur stratégique, mutant et florissant avec des métiers valorisant si l’on préparer les jeunes à s’y adapter par le biais de formations professionnelles à la carte. Demain c’est déjà aujourd’hui.

Alors qui pour jouer les passeurs ? La période est si courte que des vocations ne sauraient se manifester aussi rapidement. En revanche un monde se cache derrière son ombre ? Les résultats et la faveur des opinions départageraient les silhouettes qui s’imposeront comme des figures marquantes suffisamment installées dans le débat national.

Pour l’heure tous avancent à pas feutrés. Autrement dit, tout faux pas est interdit, parce que fatal sur la longue marche… De même que les embardées.

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