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A BAS TOUTES CES MILICES !

Le Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (Gign) a procédé hier, dans la foulée de l’audition de Ousmane Sonko par le Doyen des juges sur l’affaire Sweet Beauty, à l’arrestation d’éléments de sa garde rapprochée, qui ont été impliqués le week-end dernier dans des violences dans le village de Tchiky, situé dans la commune de Diass.

Cette arrestation fait suite à des affrontements qui se sont produits entre les éléments de la sécurité de M. Sonko et des militants de l’Alliance pour la République (Apr). Des plaintes ont été introduites par les personnes blessées, le procureur de Mbour s’est prononcé face à la presse, de même que l’avocat des éléments de la sécurité du leader du Pastef, Me Abdoulaye Tall. L’enquête suit son cours et toutes les responsabilités seront situées, mais cet incident nous renvoie à la figure l’incongruité qu’est la façon dont s’organise la sécurité rapprochée.

Tout bon gaillard veut se livrer à l’activité de protection rapprochée sans aucun préalable. Tout politicien veut s’entourer de sa meute de mastodontes qui bandent les muscles pour faire peur, intimider ou casser tout sur leur passage au premier accrochage.

De l’imposture des tenues au zèle dans la gestion des dispositifs de protection, il y a tout à dire de nos milices politiques. On a fini de façon tacite d’accepter l’idée qu’un politicien doit avoir sa suite de gros bras. Sonko a sa horde de «gorilles», Mame Mbaye Niang exhibait fièrement ses «Marrons du feu». Idrissa Seck avait fini, campagne après campagne, de propulser Vieux Sandiery Diop comme un Jack Bauer de nos tropiques. On ne peut tous les blâmer, car Abdoulaye Wade, à la station présidentielle, a pu faire entrer certains de ses «calots bleus» dans les rangs de nos Forces de défense et de sécurité.

Le Parti socialiste avait aussi ses gros bras qui ne se gênaient point à casser des bureaux de vote ou à faire de Abdoulaye Wade, persona non grata dans certains patelins. C’est dire que la violence dans la politique est bien tenace chez nous.

Il serait hypocrite de s’indigner du spectacle violent qu’offrent nos lutteurs, lors des face-à-face annonçant leurs combats, quand ceux qui sont appelés à gérer la cité déchaînent leurs nerfs et emploient ces derniers pour distribuer des coups de poing. Le Cng de lutte doit avoir son mot sur la conversion de lutteurs en activité en gros bras de politiciens, au vu de l’image négative qu’ils peuvent renvoyer de leur sport.

En revenant sur nos politiques, il y a toute une symbolique à se vouloir serviteur des populations et à la recherche de leur suffrage, tout en se barricadant dans une forêt de gros bras. Il est d’autant plus révoltant que les éléments de protection rapprochée de nos politiciens sont souvent détenteurs d’armes illégales et dont ils n’ont souvent qu’une initiation sur le tas pour leur maniement. Quel est l’intérêt de cette violence gratuite que voudrait promouvoir notre classe politique dans une société civilisée et avec un Etat doté de toutes les prérogatives régaliennes ? Les cas de violence ayant débouché sur des pertes insensées en vies humaines lors d’activités politiques sont légion et notre Etat tarde toujours à réguler tout ce qui entoure la prestation de service de sécurité rapprochée.

L’incident entre des éléments de la garde rapprochée du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) et militants de Benno bokk yaakaar lors de l’élection présidentielle de 2019, ayant causé mort d’homme à Tambacounda, aurait dû suffire comme alerte pour désarmer toutes les milices qui entourent nos politiciens, en leur offrant la possibilité de commettre des professionnels reconnus et aguerris pour leur protection.

L’Etat se substitue aux gros bras lors des rendez-vous républicains comme les campagnes électorales, mais certains de nos politiques ont la gâchette facile pour accuser nos Forces de défense et de sécurité de tous les complots. Il ne faut pas oublier qu’un politicien, en l’occurrence Ousmane Sonko, avait refusé, lors de la campagne présidentielle de 2019, de se faire protéger par des éléments des Forces de défense et de sécurité, les soupçonnant d’être à la solde du ministre de l’Intérieur d’alors, Aly Ngouille Ndiaye.

Si nos politiciens sont autant obnubilés par le besoin d’être prescripteurs d’une violence qu’ils voudraient légitime, ça ne surprend pas que tous les foyers religieux se créent aussi leurs milices et polices morales (sans oublier leurs centres de redressement) pour les faire cohabiter avec nos corps régaliens. On serait tenté, à y voir de près, de dire que ce pays est un gros malentendu.

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