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CIRCONSCRIRE LE DÉBAT DANS L’ARC RÉPUBLICAIN

Lors du Conseil des ministres du 28 septembre dernier, le chef de l’Etat a donné instruction au Garde des sceaux d’examiner la possibilité d’une amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote. D’emblée, précisons que l’on amnistie des faits. Mais il reste évident que les personnalités politiques, Khalifa Sall et Karim Wade, sont visées par cette mesure annoncée. La question de la réhabilitation des deux précités est au cœur des enjeux politiques depuis leur condamnation définitive par la Justice.

Je ne connais pas M. Wade dont les forfaits sous le parapluie de son Président de père, ont été à bien des égards assez scabreux, conformément à la gouvernance déséquilibrée entre 2000 et 2012. Mais sa condamnation par la Crei était de mon point de vue, scandaleuse. Cette Cour est problématique par son fonctionnement qui nie des principes élémentaires du droit sur la charge de la preuve et la possibilité de faire appel d’une décision de Justice. Par surcroit, il est souvent décrété l’argument selon lequel la condamnation de M. Wade était une «demande sociale». Depuis quand les obsessions des foules justifient-elles de tordre le bras aux principes généraux du Droit ? Céder aux instincts populaires pour condamner des gens devant un Tribunal relève du populisme ; il s’agit d’un danger pour une démocratie dans laquelle chaque citoyen pourrait ainsi se retrouver entre les liens de la détention au nom de ladite «demande sociale». D’ailleurs, beaucoup de ceux qui exigeaient l’embastillement de M. Wade sont aujourd’hui ses ardents défenseurs. Les peuples changent d’avis et le Droit suit son cours en restant fidèle à des valeurs et des principes justes.

Je connais en revanche Khalifa Sall dont la compétence, le sens de l’Etat et les qualités humaines m’ont toujours impressionné. L’ancien maire de Dakar est l’une des personnes les plus courtoises et les plus élégantes que je connaisse en politique au Sénégal. Mais il sait mon avis sur ses nouveaux alliés. Le 8 mars 2021, j’étais avec lui quand la décision de mettre fin à la garde à vue de M. Sonko a été annoncée. Tout en constatant son choix d’alliance sans l’approuver, je lui ai dit ce que je pensais du leader du Pastef, de son substrat fasciste, de son appareil séditieux et de ses méthodes outrancières.

La décision d’amnistier les faits que nous connaissons et de réhabiliter les concitoyens Wade et Sall est salutaire dans le sens d’apaiser un champ politique qui déborde de plus en plus des frontières de l’adversité pour verser dans la haine. Elle permettra ainsi d’ouvrir un nouveau cycle nécessaire voire urgent depuis les évènements de mars 2021, qui furent une opportunité saisie par une bande d’aventuriers pour braquer la République et la soumettre à leur agenda séditieux.

Le Sénégal est une démocratie, contrairement aux excès verbaux notés çà et là, aux mensonges moult fois réitérés par les entrepreneurs de la haine à l’agenda politique pernicieux. Notre pays s’honore depuis les affrontements entre Lamine Guèye et Senghor, puis Senghor-Cheikh Anta Diop, Abdou Diouf-Abdoulaye Wade, d’être un espace de dispute civilisée qui a certes connu des épisodes de violence comme en 1988 ou en 1993. Cette tradition de «dialogue critique» doit perdurer malgré la tentation de la guerre civile qui a gagné un pan du personnel politique et des masses entières chez nos concitoyens.

L’opposition sénégalaise sera renforcée par la remise en selle de messieurs Sall et Wade, qui sont dans une contestation véhémente du régime du Président Sall et qui auront ainsi le loisir de présenter un projet en 2024. Et c’est une excellente chose, car une démocratie s’honore d’une opposition démocratique et républicaine forte et donc capable de présenter une offre alternative en vue de convaincre afin de devenir majoritaire. L’alternance étant la respiration naturelle d’une démocratie.

Mais au-delà des personnes, il y a un tournant démocratique qu’on emprunte dans le sens de permettre à des courants majeurs de notre histoire politique, la social-démocratie et le libéralisme, de s’exprimer à la prochaine Présidentielle. Ceci permettra ainsi de rompre le face-à-face morbide entre Macky Sall et Ousmane Sonko et d’ouvrir davantage la compétition politique. L’avènement de M. Sonko comme unique leader d’envergure en situation de concourir au suffrage universel face au camp présidentiel réduit la politique sénégalaise à un triste monologue outrancier, aride et dangereux pour la démocratie, les libertés publiques et la République, en laquelle il ne croit pas.

Nous sommes dans un moment majeur de notre histoire politique. Les populistes arrimés aux réactionnaires et aux islamistes sont aux portes du pouvoir et menacent nos acquis démocratiques et la République. Leur faire face est une impérieuse nécessité. Les hordes fascistes et leur chef, un excité aussi ignorant que vaniteux, doivent être combattus et extraits par les idées et sur le terrain du champ politique au profit des courants qui restent dans l’arc de la démocratie et de la République.

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