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Contribution d’un citoyen : Naufrages en Méditerranée, une jeunesse africaine sacrifiée sur l’autel de l’indifférence ?

Le spectacle désolant des embarcations de fortune chavirant dans les eaux impitoyables de la Méditerranée est devenu une tragédie récurrente, presque banale aux yeux du monde. Pourtant, derrière chaque naufrage se cache un drame humain, une jeunesse africaine en quête désespérée d’un avenir meilleur, mais souvent confrontée à une terrible alternative : la mort par noyade ou une vie marquée par l’incertitude et la marginalisation en Occident.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Est-ce vraiment le sort que nous réservons à nos enfants, à cette génération que l’on qualifie souvent de « sacrifiée » ?

Ces jeunes partent, poussés par un mélange de désespoir et de rêve. Ils quittent leurs foyers, leurs familles, non pas par choix, mais par nécessité. Face à la pauvreté, aux conflits, à l’absence d’opportunités économiques et sociales, ils voient dans l’Europe un Eldorado. Mais leur rêve se brise trop souvent contre les rochers de l’indifférence, les politiques migratoires de plus en plus déshumanisées, restrictives et la brutalité des passeurs qui exploitent leur détresse.

Combien d’entre eux ont péri en mer, leurs noms effacés des mémoires, leurs corps jamais retrouvés ?

Et combien d’autres, ceux qui survivent, se retrouvent piégés dans des camps insalubres, ou à errer dans les rues des villes européennes, sans papiers, sans emploi, sans avenir ?

Les générations qui nous ont précédés, nos parents, nos grands-parents, ne nous ont pas légué ce monde. Ils ont lutté pour un avenir meilleur, ont rêvé de sociétés plus justes et plus équitables. Alors, comment expliquer que nous soyons incapables de donner à notre jeunesse le même espoir, la même possibilité d’une vie décente ? Comment sommes-nous passés d’une Afrique pleine de promesses, riche en ressources et en talents, à un continent dont les enfants fuient comme s’il n’y avait plus aucun espoir ?

Cette situation n’est pas une fatalité. Il ne s’agit pas d’une malédiction. C’est un système qui, depuis des décennies, perpétue une répartition inégale des richesses et une exploitation effrénée des ressources naturelles africaines par des puissances extérieures, parfois avec la complicité de dirigeants locaux. Dans ce contexte, relire les analyses de l’ancienne juge Eva Joly dans l’affaire Elf est éclairant. Elle souligne avec force la responsabilité de certains dirigeants européens dans l’instabilité chronique qui mine l’Afrique. Par des pratiques économiques peu orthodoxes, des pillages organisés et des alliances douteuses, ces dirigeants ont contribué à appauvrir des pays, à fragiliser des populations, créant ainsi un terrain fertile pour l’exode massif de la jeunesse.

Mais l’Europe n’est pas seule en cause. Le rôle de certains présidents africains, souvent plus préoccupés par la conservation de leur pouvoir que par le bien-être de leurs citoyens, ne peut être ignoré. Des régimes corrompus, des politiques économiques inadaptées, et un manque d’investissements dans les secteurs essentiels, comme l’éducation et l’emploi, poussent des millions de jeunes vers l’exil. Cette situation est insoutenable. Les solutions sont à la fois simples et complexes : il faut un engagement commun, une réelle coopération entre les deux rives de la Méditerranée pour juguler cette hémorragie humaine.

Le moment est venu de changer de paradigme. Il ne s’agit pas simplement de renforcer les frontières ou d’organiser des rapatriements forcés. Il s’agit de traiter les causes profondes de l’émigration. L’Afrique subsaharienne, où la population jeune ne cesse de croître, doit devenir une priorité dans les politiques de développement. Des actions ciblées, pensées avec et pour cette jeunesse, sont urgentes. Ignorer cette réalité démographique, se voiler la face avec de telles statistiques alarmantes, reviendrait à faire la politique de l’autruche. Or, persister dans l’inaction, c’est se rendre coupable de la plus grande des lâchetés.

Le signal envoyé par ces jeunes Africains est fort et clair. Ils ne fuient pas simplement des terres arides ou des économies moribondes. Ils fuient aussi notre inaction collective, notre incapacité à leur offrir un avenir. Il est temps de répondre à leur appel. Pas avec des mesures politiciennes ou des discours creux, mais avec des solutions concrètes. Il est de notre responsabilité, en tant que citoyens d’un monde interconnecté, d’agir. Il est de notre devoir de lever les barrières de l’indifférence, de dépasser les divisions politiques et géographiques, et de construire ensemble un futur où personne ne serait condamné à choisir entre la mort en mer et la survie dans la misère.

L’espoir n’est pas mort. Tant que nous aurons encore cette capacité à nous émouvoir, à nous mobiliser, à réfléchir ensemble à des solutions pérennes, nous pourrons renverser la tendance. La jeunesse africaine est porteuse d’un immense potentiel. Il ne tient qu’à nous, de chaque côté de la Méditerranée, de lui offrir les moyens d’exprimer ce potentiel et de bâtir un avenir meilleur. Il en va de notre humanité commune.

Abdou Aziz

Redaction@infos221.net

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