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L’AUTRE CÔTÉ DE LA RUÉE DE L’OR À KÉDOUGOU

La ruée vers l’or a fait s’établir à Kédougou ces dernières années des milliers de personnes venues de pays frontaliers du Sénégal, en particulier des femmes commerçantes devenues des maillons essentiels du tissu économique de la grande ville du sud-est du Sénégal dont le potentiel aurifère lui garantit une grande attraction.

L’orpaillage ne garantissant pas toujours la fortune, à Kédougou comme ailleurs, le commerce facilite la réinsertion socioéconomique de nombreuses femmes dont les rêves d’or ont été contrariés.

L’exploitation aurifère au Sénégal se fait principalement à Kédougou. Le métal précieux est devenu un pilier de l’économie locale, avec une vingtaine de sociétés minières présentes sur place – dont deux en exploitation effective –, mais aussi des milliers d’orpailleurs artisanaux et clandestins venus tenter leur chance.
 

L’activité aurifère formelle n’arrive pas à endiguer le chômage des jeunes dans cette région enclavée, aux confins du Mali et de la Guinée.

De nationalité guinéenne, malienne, ivoirienne, gambienne et même burkinabé, de nombreux commerçants, décidés à profiter d’une manière ou d’une autre de la fièvre de l’or, comptent des échoppes un peu partout sur les grandes artères de la ville. 
 

Awa Sylla, 33 ans et originaire du Mali, est l’une de ces femmes installées au marché central de Kédougou où elle vend des produits cosmétiques qu’elle reçoit de commerçants sénégalais, des “Baols-Baols » installés dans la région de Diourbel (centre).
 

“Je suis dans le commerce depuis mon arrivée à Kédougou. J’avoue que cette activité a facilité ma réinsertion économique”, avoue Awa Sylla, élégante dans son boubou traditionnel qui rappelle toute la splendeur de l’art de vivre de son Mali natal.
 

La jeune femme arrivée en 2016 avoue que les choses avaient été plutôt difficiles à ses débuts à Kédougou. 

“Je vendais mes produits sur les sites d’orpaillage, dit-elle. C’était extrêmement difficile de s’intégrer économiquement. Il y avait toutes sortes de tentations et de menaces de violences sexuelles de la part des orpailleurs”.
 

Awa semble avoir désormais trouvé sa voie non pas forcément dans les sites d’orpaillage mais au cœur du marché central où ses produits font sensation par les effluves parfumées qu’ils distillent dans les couloirs menant aux cantines.
 

Une reconversion satisfaisante que la commerçante doit aussi à des structures telles que l’Organisation internationale de la migration (OIM), qui vient en appui à de nombreuses femmes dans sa situation.
 

Un appui déterminant avec l’apparition du Covid-19 qui a fortement ralenti les affaires dans bien des domaines en limitant la libre-circulation des biens et des personnes.

Le marché était fermé, les choses trop dures
 

Comme Awa, Fatoumata Barry, venue de la Guinée, a également bénéficié de l’appui de l’OIM.
 

Pour lancer son commerce, elle a adressé une demande d’attribution de cantine à laquelle les servies de la mairie ont répondu favorablement. Puis Fatoumata a reçu de l’OIM un financement de 500 milles francs CFA qui lui a permis de démarrer ses activités.

« J’ai fait  plus de dix ans au Sénégal. La Covid-19 m’a trouvée dans la région de Kédougou et mon commerce  était  bloqué », dit Fatoumata, qui raconte plus facilement son histoire avec le recul et les années.

“Je ne voulais qu’une chose, c’est rentrer en Guinée. Le marché était fermé. Les choses étaient  trop dures. Mais aujourd’hui, Dieu merci, les autorités m’ont aidée à relancer mon activité”, ajoute Fatoumata Barry.

Sa compatriote Aïssatou Diallo, 40 ans, a acquis une grande renommée dans le commerce de fruits à Kédougou, où son commerce profite d’un emplacement privilégié, en face du Tribunal de grande instance de Kédougou. Et pourtant, à l’en croire, rien n’a été simple.

“À mes débuts au Sénégal,  j’ai beaucoup souffert financièrement, physiquement et psychologiquement”, compte tenu principalement de nombreuses “tentations. J’avais laissé en Guinée mes parents et mes enfants. Vraiment, j’ai souffert”, confirme Aïssatou, qui vivait en Côte d’Ivoire avant de venir au Sénégal et de s’installer à Kédougou.
 

Grâce notamment à l’OIM, elle a pu obtenir un financement de 700 mille francs CFA pour démarrer. “Je suis heureux avec ça. Je me sens en sécurité maintenant, et je sais que je peux faire beaucoup de choses avec le commerce”, dit Aïssatou Diallo, installée devant son commerce.

‘’Je sais que je peux faire beaucoup de choses avec le commerce’’

Au même moment, un petit groupe de femmes discutent sous l’ombre d’un grand arbre. Des hommes, assis à côté sur un parpaing, vendent des chaussures et des pastèques. Une grande familiarité semble les animer, surtout que pour la plupart, les commerçants originaires de Guinée sont les plus en vue à Kédougou.

Fanta Faty, une Gambienne, a elle rencontré moins de difficultés pour démarrer ses activités à son arrivée à Kédougou.
 

“Mon premier jour au marché de Kédougou, raconte-t-elle, les collecteurs m’ont arrêtée  et m’ont conduite à la mairie pour occupation de lieu sans autorisation. Au bout de quelques semaines, ils m’ont demandée de régulariser ma situation pour que je puisse bénéficier d’une place. Ce que j’ai fait et j’ai eu une bonne place”, souligne Fanta. 
 

A Kédougou, elle dit se sentir comme chez elle. “Je me suis intégrée facilement. Je travaille tranquillement et j’ai  commencé à parler wolof, peul et malinké”, informe-t-elle.
 

Olivia, surnommée “Princesse ivoirienne”, tient une friperie au marché central de Kédougou, après avoir en vain tenté de rallier l’Eldorado européen.
 

“Je voulais partir en Espagne et j’ai risqué la prison au Maroc. Après, j’ai préféré venir au Sénégal”, explique la  ‘’Prince Ivoirienne’’, dont la nouvelle activité lui a permis d’ouvrir une grande boutique et de se construire une maison.
 

“Je suis très heureuse aujourd’hui. Quand je suis venue à  Kédougou, j’ai tout entendu et j’ai tout vu dans ma vie. Mais j’ai fait fi de ces considérations en travaillant dignement pour gagner ma vie”, poursuit Olivia.
 

Désormais, elle passe son temps à sensibiliser les plus jeunes contre les dangers de de l’émigration irrégulière, disant vouloir éviter que les autres vivent le calvaire qu’elle a vécu sur les routes de l’Eldorado européen.

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