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MAMOUSSE DIAGNE PARTAGE SES NOTES

Président du Conseil d’administration de l’Office national de la formation professionnelle (Onfp), Mamoussé Diagne revient dans cet entretien, sur le rôle de l’Onfp pour répondre aux interrogations des populations en termes d’emploi et de formation d’une part, et d’autre part, de la mise en œuvre de la volonté de l’Etat de régler la question de l’emploi et de l’employabilité. Pour permettre à cette institution stratégique de jouer pleinement son rôle et de répondre aux besoins des entreprises et des branches professionnelles, Pr Mamoussé Diagne estime qu’il faut revoir à la hausse le pourcentage accordé à L’Onfp au titre de la Cfce.

Quelle contribution pourrait apporter une institution comme l’Onfp à l’heure du fast track ?

Une contribution décisive parce que ce rôle, ce n’est même pas nous qui en décidons, mais les populations par leurs interrogations, leurs interpellations sur comment faire en sorte que nos enfants ne se posent plus cette équation terrible «barça ou barsak», c’est-à-dire l’émigration sauvage, parce que nous ne pouvons pas rester sur place sans rien faire. Ce sont donc les populations qui posent la question, elles-mêmes. A cet effet, nous sommes bien obligés de les entendre, de les écouter et de prêter une oreille attentive à leurs préoccupations. J’ai l’habitude de dire qu’il n’y a pas pire ennemi pour une société que des gens qui n’ont rien à perdre. Des gens qui n’ont rien à perdre sont des gens qui font en sorte que ceux qui ont quelque chose à perdre le perdent. Ça traduit l’adage très connu des Séné¬galais : «thiéré bi bouma thi lekoul heup thi souf», qui voudrait dire en français : «Je mets du sable dans le couscous si je n’en mange pas.» Par conséquent, aujourd’hui, dans les différents milieux, et ça ce n’est pas seulement au Sénégal, c’est la mondialisation peut-être qui a ça comme conséquence. Les villes, qui sont définissables comme des espaces où il fait bon vivre, sont encerclées par les banlieues. C’est-à-dire des lieux où des gens sans espoir vivent la plupart du temps. Le jour où les banlieues s’enflammeront, et c’est ce qui se passe malheureusement, nous serons tous en danger. Donc cette question, ce n’est même pas l’Onfp, mais c’est la société qui pose cet énorme point d’interrogation à partir de gens qui n’ont rien à perdre et qui disent «daniou beug kheuy, daniou beug tekki». Et le discours du président de la République, Macky Sall, m’a semblé tellement important parce qu’il a parlé dans sa prestation de serment, c’est-à-dire le langage le plus solennel, de la formation des jeunes. Il s’agit donc de bien les former à partir de structures dont c’est la vocation. Il en est arrivé ainsi à parler de l’Office national de la formation professionnelle (Onfp) de manière absolument nominative. Ce n’est pas donc par hasard. Il a parlé de l’Onfp comme étant une de ces structures qu’il compte appuyer dans ses missions, justement pour pouvoir répondre à cette énorme interrogation. Par conséquent, apporter aux jeunes une formation qui leur permet d’être utiles sur place à eux-mêmes, à leurs familles et à la société sénégalaise, de manière à ne plus avoir aucune raison de s’expatrier, d’alimenter l’émigration sauvage. Je pense que c’est une question absolument fondamentale, aussi bien pour les milliers de gens qui la posent que pour le discours du président de la République, qui y répond en tant que discours-programme, et nos structures qui sont les moyens, les bras armés permettant de mettre en place cette politique, de réaliser cette énorme promesse qui nourrit l’espoir actuellement des populations sénégalaises. Donc question-réponse sur le plan général ou programmatique, et réponse sur le plan de la réalisation empirique pratique de ce que le président de la République a promis. Il y est revenu dans une autre adresse à la Nation sénégalaise, mais cette fois-ci sous un autre angle, celui de la citoyenneté. J’ai été invité dans une télévision de la place, à la suite de ce discours, pour en parler avec d’autres invités. Il y a eu un panel sur cette question. Alors que le président de la République a parlé de la citoyenneté, de la manière dont les Sénégalais se comportent, de ces manières-là qui sont déviantes. Cette déviance-là a été articulée également à la question de l’emploi. Celui qui a quelque chose à faire, qui a quelque chose d’utile à faire et qui sait que de toute manière, l’anomie, c’est-à-dire le désordre total dans une société, le gênerait, n’a aucun intérêt à détruire l’ordre social, mais à le gérer puisqu’il y trouve son intérêt. Dans les deux cas, sous des angles différents, le Président a posé ces questions et l’Onfp est une structure dont la raison d’être est véritablement de traduire cette politique, cette promesse et cette attente.

Quelle posture doit avoir cette institution pour répondre efficacement aux attentes du chef de l’Etat et aux préoccupations des Sénégalais ?

A mon avis, l’Office national de la formation professionnelle, depuis que j’y suis, est une structure qui a toujours tâché, dans la définition de ses missions, de faire en sorte de répondre à l’attente des populations, mais aussi et surtout, des entreprises qui emploient. C’est ça qui est aussi fondamental ; de faire en sorte d’être l’interface entre les populations d’une part, qui sont dans les banlieues que j’ai connues moi, étant professeur, et que l’école a laissées sur la route, notamment qui se retrouvent sans emploi, et les branches professionnelles d’autre part, qui peuvent les employer. Nous nous intéressons aux branches professionnelles qui sont justement représentées au sein du Conseil d’administration, parce qu’il y a les employeurs et les travailleurs des sociétés dans le Conseil d’administration pour pouvoir définir avec eux, un ensemble d’objectifs que nous pouvons transformer du point de vue pédagogique en item, en module pour pouvoir les enseigner à des gens qui n’ont pas reçu de formation, de manière à les rendre socialement utiles, pertinents pour l’emploi dans les sociétés qu’ils souhaitent intégrer. C’est ce qui fait que les formations se font selon le niveau qu’ils ont, et ça va du niveau 0 à des gens qui sont sortis de l’école en moyen terme (niveau primaire, moyen, secondaire), et même quelques fois des gens d’un niveau supérieur. Vous avez sans doute entendu parler des maîtrisards chômeurs, et c’est un signe d’échec pour une société d’une certaine manière. Comment faire en sorte maintenant que tous les Sénégalais, où qu’ils se trouvent, arrivent à maîtriser un savoir et un savoir-faire qui puissent leur permettre d’être utiles à la société sénégalaise ? C’est ça l’Onfp. Ce, afin de leur permettre de n’avoir aucune tentation pour l’ailleurs. C’est-à-dire pour aller développer d’autres sociétés alors que nous les avions formés, vu grandir ici pour les envoyer former d’autres sociétés qui recueillent simplement les fruits que nous avons nous-mêmes semés. Mais, peut-être que nous avons mal semé, mal entretenu, c’est à nous de faire maintenant des efforts et de rectifier le tir. L’Onfp est un outil de l’Etat qui sert à cela. Il est donc un instrument intermédiaire entre la volonté des dirigeants de ce pays et des populations qui sont demanderesses d’emploi, de formation pour pouvoir être employées.

Est-ce que l’institution est suffisamment dotée de ressources pour faire face à ces défis que vous venez d’énumérer ?

Vous posez-là une question excellemment pertinente qui est la traduction très exacte de cet adage qui dit : «Quand on veut une chose, on s’en donne les moyens.» En réalité, de nos jours, tout se définit en termes de moyens. Il y a des pays où il y a des structures comme la nôtre et qui disposent de moyens très élevés. C’est le cas de la Côte d’Ivoire. Vous constaterez cependant, les réunions du Conseil d’administration de l’Onfp les plus importantes sont celles qui se tiennent en début d’année, lorsque le budget est mis en place pour la définition des politiques qui visent l’atteinte des objectifs que l’institution s’est fixés et que l’Onfp doit atteindre à tout prix. Il y a aussi la réunion de fin d’année qui s’apparenterait à une réunion-bilan, en plus des réunions à mi-parcours. Ce qu’il faut noter et retenir durant ces différentes phases, c’est comment cette politique est mise en place ? Comment les moyens mis à notre disposition, et dont dépend l’atteinte des objectifs, sont articulés pour mieux répondre aux préoccupations des populations d’une part, et d’autre part, matérialiser nos engagements vis-à-vis de l’Etat avec qui on a un contrat d’objectifs ? A ce niveau, il faut dire que nous y veillons sans aucune concession, nous faisons appel à des contrôles internes systématiques et à des contrôles externes également qui sont dans la voie et qui font que des structures absolument indépendantes puissent juger nos dépenses, la manière dont nous avons dépensé et les résultats auxquels nous avons abouti.

Est-ce qu’il ne faudrait pas huiler davantage le système et redéfinir les rôles pour éviter des chevau¬che¬ments entre l’Onfp et le 3fpt ?

Il y a même des gens qui vont jusqu’à penser que c’est une sorte de doublure, et que des conflits pourraient même naître dans la démarche de ces deux types d’organisation. Je pense que non. Pour la simple et bonne raison que, entre des gens qui financent des programmes, des gens sortis de la formation qui veulent s’installer comme de jeunes entrepreneurs que j’appelle le suivi de la formation, il y a une structure qui s’en occupe. Pour notre part, au niveau de l’Onfp, on s’occupe de la formation pour permettre aux bénéficiaires d’avoir les aptitudes et qualifications requises à exercer une fonction. A partir de ce moment-là, il faut plutôt parler de complémentarité, et cette complémentarité nécessite effectivement qu’il puisse y avoir des rencontres périodiques, une entente parfaite entre les deux structures de telle sorte qu’on ne se marche pas sur les pieds. Surtout qu’on n’a pas le même champ d’action. Je suis tout à fait d’accord pour dire que si on n’a pas cette perception-là, il y a risque d’une forte perception de chevauchement conflictuel, et ce serait la pire des choses. Parce qu’à ce moment-là, il faudra soit les fondre, séparer totalement ou les mettre dans des options totalement différentes. Or, ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est la complémentarité et le travail au quotidien qui doivent prévaloir entre les deux structures.

Le chef de l’Etat a réitéré son engagement pour le relèvement de la Cfce. Quelle est la démarche à adopter pour permettre un reversement correct de cette taxe ?

La Cfce, c’est ce pourcentage que les différentes entreprises versent de manière à ce que nous puissions constituer quelque chose de relativement consistant pour pouvoir leur former les hommes et les femmes, bref les ressources humaines dont elles ont besoin. Par conséquent, c’est d’avoir des rapports de prestation réciproques. Ainsi, plus la part de Cfce consacrée à l’Onfp ou à des structures similaires est importante, plus nous avons avidement la possibilité de mettre à la disposition des entreprises et des structures demanderesses, des produits qui soient des produits quantitativement et qualitativement importants. Il n’y a pas de problème pour ça. L’année dernière, nous avons eu une part relativement mince de notre budget venant de la Cfce (6%). Nous avons très souvent pu fonctionner grâce à la débrouillardise de l’Onfp, qui compte également sur la coopération extérieure. A titre d’exemple, avec la Coopération luxembourgeoise, on a eu à réaliser beaucoup de choses. Il faut donc, au titre de la Cfce, que la part affectée à l’Onfp soit plus importante. Je m’en réjouis d’avoir entendu le président de la République préciser qu’il va renforcer son appui à l’Onfp et à la jeunesse. J’imagine bien qu’aujourd’hui, non seulement notre part de la Cfce sera stabilisée, mieux, elle sera augmentée dans des proportions qui soient significatives de manière à ce que nos résultats soient sensiblement augmentés. Par conséquent, ce serait une question de cohérence, de bon sens. Sans moyens, nous ne pouvons pas inventer.

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