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LE SENEGAL CHANGE SON FUSIL D’ÉPAULE DANS LA CRISE RUSSO-UKRAINIENNE

Si le Sénégal a toujours affiché une position de neutralité dans les conflits, préférant privilégier la diplomatie et la réconciliation, ses partenaires traditionnels ont toujours eu du mal à comprendre sa position dans la guerre en Ukraine. En votant hier en faveur de la résolution de l’Ag de l’Onu qui condamne les annexions de territoires ukrainiens par Moscou, Dakar a mis fin au louvoiement dont il fait preuve depuis le début de l’invasion russe.

Que dire ? Le Sénégal est revenu à… l’orthodoxie diplomatique en votant en faveur de la résolution, qui condamne les annexions de territoires de l’Ukraine par Moscou. Hier, l’Assemblée générale de l’Onu a désapprouvé, à une large majorité, les «annexions illégales» de territoires ukrainiens par la Russie, après l’organisation de «pseudo-référendums» dans ces territoires conquis à la force des bombardements. En détails, il y a 143 votes contre les annexions, 35 abstentions, parmi lesquelles la Chine, l’Inde, le Pakistan et l’Afrique du Sud, et cinq pays pour, à savoir la Corée du Nord, l’Erythrée, la Syrie, la Biélorussie et la Russie. Autant d’Etats parias…

Cette résolution de l’Assemblée générale, composée de 193 Etats membres, réunie en urgence depuis lundi, reste symbolique. Même si ces votes ne vont pas infléchir Moscou, qui continue à bombarder les territoires ukrainiens occupés, ils montrent un isolement de plus en plus accru de la Russie. Avec la durée de la guerre et ses drames, les annexions, qui violent la souveraineté de l’Ukraine, les pays soutenant Poutine dans son opération commencent à s’amenuiser. Même en Afrique, où la plupart des pays ont voté pour la résolution. Savez-vous que le Mali, où se trouve Wagner, une milice russe, s’est abstenu…

Aujourd’hui, on est loin de la bipolarisation constatée au début de la guerre. A l’époque, les Etats africains votaient systématiquement contre ou s’abstenaient de soutenir toute résolution contre la Russie. Pour Dakar, c’est aussi la fin de la neutralité ou d’un non-alignement qui ne s’expliquait pas aux yeux de ses partenaires stratégiques. Depuis le début du conflit, les Etats-Unis multipliaient les efforts pour maintenir le Sénégal, un partenaire stratégique et solide en Afrique, dans sa sphère d’influence. Ils ont envoyé plusieurs diplomates de haut rang à Dakar dont le secrétaire d’Etat et plusieurs sous-secrétaires, fait un appui à hauteur… de 7,2 milliards F Cfa pour aider le pays à faire face à la conjoncture mondiale provoquée par la guerre ukrainienne dont la plus grande conséquence est l’exposition de plusieurs pays africains à l’insécurité alimentaire. Lors de la dernière Assemblée générale de l’Onu, Joe Biden a cédé sa place au pupitre de l’Onu à Macky Sall, qui s’est adressé au Peuple onusien dès les premières heures de ce rendez-vous annuel. Commentant le non-alignement des pays africains, Emmanuel Macron avait parlé d’hypocrisie. En visite à Dakar, la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine avait plaidé aussi pour un isolement total de Moscou en Afrique.

Malgré les relations entretenues avec la Russie, certains analystes ont toujours eu du mal à suivre la voie «empruntée» par le Sénégal. Pour eux, les autorités ne «peuvent pas être» derrière Vladimir Poutine. Même s’il a reçu Macky Sall à Sotchi au début du conflit. Car la carte diplomatique de notre pays est très simple : Usa, Ue, Royaume-Uni, Canada et Arabie Saoudite, et Maroc pour d’autres considérations géostratégiques… Selon eux, il est dans le camp de la «démocratie» et non «de l’occupation».

En présidant, depuis des décennies, le Comité des Nations unies pour l’exercice des droits inaliénables du Peuple palestinien, le Sénégal ne pouvait sans doute s’accommoder de l’occupation de régions ukrainiennes entières par un autre Etat. Est-ce une position définitive du Sénégal sur ce conflit ? Même si l’on sait que le dynamisme de la diplomatie sénégalaise, vantée à travers le monde, ne lui permettrait pas de se retrouver taxée d’être à la solde d’un pays ou d’une coterie. Wait and see ! Il faut rappeler que le 2 mars dernier, le Sénégal faisait partie des 35 Etats qui se sont abstenus de soutenir la résolution de l’Assemblée générale de l’Onu, qui condamne l’agression de l’Ukraine par la Fédération russe. On a vu sur les réseaux sociaux, des bien-pensants se gausser de la position du Sénégal, que certains ont jugée frileuse, allant jusqu’à se demander ce qui pouvait justifier cette «crainte de la Russie». A l’époque, cette position n’a pas semblé rencontrer l’approbation des partenaires traditionnels de notre pays. On avait vu un «échange de tweets» entre le Président Macky Sall et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau. Dans le compte-rendu qu’il avait fait de sa conversation avec le dirigeant sénégalais, l’homme politique canadien a mis en avant «l’invasion injustifiable et non provoquée de l’Ukraine par la Russie, et on a discuté de l’importance du Droit international et des valeurs démocratiques».

Quelques semaines plus tard, le Sénégal faisait partie des pays qui ont voté en faveur de la résolution du Conseil des Nations unies sur les droits humains pour dénoncer l’agression russe en Ukraine.

Ce vote est une victoire pour le camp occidental, mais qui n’occulte pas le fait que, comme toutes les résolutions des Nations unies, en dehors de celles du Conseil de sécurité, elle n’a qu’une valeur symbolique.

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