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LE SECTEUR DES TRANSPORTS EN MUTATION

La digitalisation n’épargne aucun secteur… Aujourd’hui, le téléphone portable ne sert pas seulement à passer des coups de fil, il peut aussi être utilisé pour payer des factures, envoyer de l’argent, recevoir son salaire, et même prendre un taxi. Avec Yango, Yassir, Heetch, on peut bien se servir de son smartphone pour décrocher un taxi grâce à des applications. Mais l’initiative fait grincer des dents chez les chauffeurs de taxis traditionnels.

Le client est roi. Cette expression semble bien être comprise par Yango, Yassir, Heetch, ces nouvelles applications qui veulent innover le monde des transports à Dakar, mais aussi de livraison à domicile. Avec ces dernières, il suffit juste pour le client, de se connecter et donner sa destination. Rien ne peut arrêter la digitalisation.

Pour Yango, par le biais d’un Gps, le service localise l’endroit où se trouve l’utilisateur et trouve le conducteur le plus proche, qui arrivera le plus rapidement possible. Le montant de la course à payer également est calculé grâce aux algorithmes de l’application et fixé à l’avance, sans négociations avec le chauffeur. Tout comme Yango, Yassir et Heetch également proposent les mêmes services : une voiture avec un chauffeur avec son smartphone afin de se déplacer ou de faire des livraisons. Les prix sont préétablis par l’application et ne subissent aucune modification en cours de route. Mais parmi ces applications, Yango, qui utilise sa propre cartographie, son propre routage et sa propre navigation, semble être la plus utilisée par les Dakarois. Depuis l’arrivée de ces compagnies de taxi en ligne, si une bonne partie de la population reste encore fidèle aux chauffeurs de taxis traditionnels et ont l’habitude de négocier le prix, d’autres ont tout de même migré vers ce mode de transport. Pour plusieurs raisons : confort, professionnalisme, disponibilité. Moustapha Thiongane, teint noir, le visage en sueur, visiblement pressé, cet agent à la Senelec doit rejoindre le centre-ville. Trouvé à l’entrée de la porte de Sodida, il est obligé d’abréger la discussion car il attendait un taxi Yango qu’il avait commandé, il y a juste 5 minutes. «Excuse-moi, je dois partir», explique-t-il, brièvement. Poursuivant notre parcours, nous tombons sur une jeune femme, Mariétou, les yeux rivés sur son téléphone. Cette vendeuse de cosmétiques a testé les services de Heetch. «J’ai testé l’application, le même jour, quand je l’ai installée sur mon téléphone. J’ai vraiment aimé. C’est efficace, si je peux m’exprimer ainsi», a-t-elle confié. Ce sentiment de satisfaction qui anime cette jeune dame est largement partagé par un autre riverain de la zone. Mbaye Ndiaye embouche la même trompette. «Rien n’est plus facile que de rester sur son lit, commander un taxi, observer son déplacement jusqu’à sa porte, de connaître le prix à payer et le trajet jusqu’à destination», se réjouit-il. Il ajoute : «Tu peux même avoir toutes les informations du taxi, en cas de perte ou d’oubli d’un article dans le véhicule.»

Les taximen protestent

Toutefois, ces innovations dans le secteur du transport ne font pas que des heureux. Comme le dit l’adage le malheur des uns fait le bonheur des autres. Confrontés désormais à une concurrence avec ces applications, des chauffeurs de taxis traditionnels craignent pour la qualité du service. Même si certains d’entre eux ont adhéré à ce mode de transport, la plupart des chauffeurs interrogés protestent contre ces applications et signalent que des véhicules particuliers ne comportant pas la mention taxi pratiquent le transport comme si de rien n’était.

A Grand-Yoff, il est bientôt 14 heures et quelques taxis sont stationnés au bord de la route. Mais, une trentaine de minutes plus tard, ils ont commencé à disparaître pour aller à la recherche de clients. A notre passage, dans l’espoir de rencontrer quelques chauffeurs de taxi, un laveur de véhicule est curieux de savoir l’objet de notre visite. A côté, Mamadou Sarr, un chauffeur de taxi, discute tranquillement avec des amis sous une tente de fortune au bord de la route. Non loin de là, quelques acteurs du transport prennent le déjeuner devant une gargote. Parmi eux, le président du garage, Saliou Diouf. Ce dernier ne cache pas sa réticence concernant ces innovations. «Personnellement, je n’ai jamais eu d’espoir pour Yango. Je disais qu’elle est là pour ses propres intérêts. Et aujourd’hui, j’ai eu raison parce que Yango commence à travailler avec ses propres véhicules et abandonne les taxis pour recruter des particuliers», a dénoncé le président du garage. Pour lui, Yango a compliqué la situation, pour un secteur qui était en difficulté. «Mais ce qui nous inquiète le plus, ce sont les particuliers qui font le transport. Si c’étaient seulement les taxis, il n’y aurait aucun problème, parce que tout taxi qui dispose d’une licence et d’un agrément a le droit de faire le transport», rappellent les taximen. Et Saliou Diouf de poursuivre : «Dans ce garage, on est plus de 50 chauffeurs, mais personne n’utilise Yango. Moi, je ne maîtrise même pas Yango», dit-il fortement avant d’aller faire ses ablutions pour faire sa prière de 14h. Pour étayer ses propos, Saliou Diouf dit avoir plus de 20 ans d’expérience dans le secteur des transports, certainement pour faire comprendre que la nouvelle technologie ne l’impressionne guère. Appuyé fortement par ses camarades, Mamadou Sarr soutient que Yango ne facilite pas le transport, mais, au contraire, il le détruit. «S’il avait poursuivi avec son principe de départ, son objectif, il allait continuer à travailler avec les taxis. Mais aujourd’hui, Yango recrute les particuliers et ne coopère plus avec nous», regrette-t-il, tout en invitant le gouvernement à prendre des mesures pour le transport en ligne.

Colère des taximen contre les particuliers

Ces chauffeurs de taxi regrettent le fait que ces véhicules de transport particulier gagnent du terrain, alors qu’ils ne sont pas habilités à le faire. Pour eux, c’est une concurrence déloyale. Justement, pour Maloum Faye, chauffeur de taxi et délégué des Syndicats de développement public et transport routier du Sénégal (Sdptrs), rencontré à Fann Bel-Air, les voitures particulières de Yango ne devraient pas travailler dans le transport, car elles n’ont pas l’agrément comme les taxis. «Les applications, nous ne sommes pas contre, mais la manière dont elles fonctionnent, nous ne sommes pas d’accord avec. Il y a des normes à suivre pour faire le transport. Mais aujourd’hui, ce sont des particuliers qui nous concurrencent. Avec Yango, si tu commandes, c’est un particulier qui va venir te chercher. Il y a même des chefs de parking qui inscrivent certains de leurs véhicules particuliers à l’agence de Yango. Il y a même des véhicules 4×4 qui font le Yango», s’insurge-t-il. Le chauffeur de taxi espère une intervention rapide des autorités pour régler ce secteur des transports «déstructuré» de jour en jour par des transporteurs clandestins. Même constat chez Ibrahima Ba, un autre chauffeur de taxi. Roulant à vitesse réduite, il vient de déposer un client à Emg. Interrogé sur la question, il ne cache pas son indignation face à ces applications de taxi qui gagnent du terrain à Dakar.

«J’ai eu deux propositions, mais j’ai refusé», tente-t-il d’expliquer avant de démarrer. Dans ce secteur du transport, la loi de chacun pour soi prédomine. Chaque partie impose sa loi. L’angoisse a fini de gagner les taximen de Dakar. Ces derniers sont confrontés à une terrible concurrence avec les compagnies de taxi en ligne et les tiak-tiak.

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