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REGAIN D’INTÉRÊT DES ÉTATS-UNIS POUR L’AFRIQUE

L’accélération des évolutions technologiques, sociétales et environnementales enclenche constamment des dynamiques incessantes dans l’empire du monde, particulièrement sur le plan politique, militaire et économique.

La rivalité sino-américaine, produit par le fléchissement de l’hégémonie américaine, systématisera la géopolitique mondiale de la première moitié de ce XXIe siècle. De là, la politique étrangère américaine à adopter est collectivement partagée par les deux principaux partis politiques, Républicains et Démocrates, pour contrer la montée en puissance de la Chine et refuser légitimement de voir leur leadership bousculé.

Face au dynamisme des économies asiatiques, particulièrement celle de la Chine, à la présence de nouveaux acteurs (Turquie, Russie, etc.) et à la crainte de perdre leur suprématie, les États-Unis, après avoir affiché, sans voile, leur politique protectionniste et isolationniste, tentent de renforcer leur présence et leur influence sur le continent africain, notamment avec la présence du « Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom) », et l’initiative « Build Back Better World », pour concurrencer celle chinoise, dénommée « Belt and Road initiative».

Pendant plusieurs décennies, les élites américaines ont poussé les différentes administrations, qui se sont relayées à la direction de l’État fédéral, à se lancer dans des aventures militaires au Proche et Moyen Orient, dans des opérations de déstabilisation de régimes politiques en Amérique Latine, en Afrique, ou encore, dans des interventions militaires en Europe et en Asie du Sud-Est, au nom de la démocratie et de la liberté ; à mettre en place des politiques fiscales de réduction d’impôts sans réduction efficace des dépenses, dégradant les finances publiques par la même occasion ; à opter pour une dérégulation financière et une financiarisation à outrance de l’économie plutôt qu’à investir dans la réhabilitation des infrastructures désuètes du pays, à assurer un meilleur accès plus démocratique à l’enseignement supérieur ou procurer une meilleure protection sociale aux classes populaires.

Par conséquent, en Afrique, les produits asiatiques, et autres turcs, anéantissent la concurrence américaine. L’essentiel des foyers est équipé d’appareils électroménagers, d’appareils électroniques et d’objets nomades de fabriquant non-américains. Tout de même dans le sous-
secteur de l’automobile où les marques européennes et asiatiques dominent face à leurs concurrentes américaines. Aussi, un pays comme l’Inde s’installe progressivement dans différents sous-secteurs économiques, notamment dans l’informatique, les télécommunications, les moyens de transports ou encore dans les produits pharmaceutiques.

Certes, les États-Unis présentent encore une prééminence sur le plan militaire, dans le domaine universitaire où toutes les élites du monde ambitionnent ou rêvent de voir leurs enfants intégrer leurs grandes universités. En outre, la jeunesse du monde continue de danser sous sa musique, à consommer son cinéma, à s’identifier à ses célébrités et à ses grands entrepreneurs, à emprunter leurs vocables (CEO, PhD, Think Tank, etc.). Depuis 2016, les investissements directs chinois dépassent ceux des États-Unis en Afrique. Aussi, la Chine est la seule région du monde avec laquelle le continent africain peut se permettre d’observer un excédent commercial puisqu’elle y est obligée de sécuriser ses approvisionnements en produits agricoles, halieutiques et en ressources minérales.

En réalité, l’incapacité des américains à proposer des produits compétitifs et adaptés au marché africain découle de leur arrogance et de leur mépris envers le continent. En outre, contrairement aux pays asiatiques, le continent n’a jamais attiré massivement les investissements américains sur ses territoires avec les risques liés à l’instabilité politique et à l’insécurité juridique.

Probablement, cela s’explique par le profil de ceux qui exercent le pouvoir politique en Afrique. Des hommes qui inspirent le dégoût du fait de leur manque de patriotisme, leur médiocrité indubitable et leur attachement à la jouissance du pouvoir. Les propos de Donald Trump, qualifiant les pays du continent de ‘‘shithole countries’’ (pays de merde), s’inscrivent dans cette perception collective. Cet histrion a juste osé le dire publiquement avec toute la vulgarité commune aux êtres de petite culture, et souvent imbue de leur personne.

Les Américains n’ont jamais considéré nécessaire de soutenir l’émancipation et le progrès économique du continent, même au lendemain de la dissolution de l’Union soviétique, période où ils se sont pris pour la seule super-puissance au monde, « La Fin de l’Histoire ». Ils ont prêché la convergence internationale sous le modèle de la démocratie-libérale. Une doctrine censée apporter aux peuples qui l’adoptent : une souveraineté populaire, une égalité des hommes et un droit au bonheur. A la fin, nous assistons plutôt à une confluence et à une juxtaposition de crises, et finalement, à un désenchantement du monde. Les américains, à l’instar de leurs ancêtres européens, demeurent toujours ancrés dans le désastreux triptyque : conquête, contrôle et pillage. Plutôt que de chercher à concevoir un système mondial basé sur la coopération et le respect des diversités des peuples.

Dès lors, il apparaît présentement difficile, avec l’impérieuse nécessité de reconstruire leurs infrastructures vétustes, leurs divisions internes, qui témoignent en réalité, de la peur constante des WASPs de perdre le contrôle du pouvoir politique et économique, ainsi que les vulnérabilités de leur démocratie, attisées par le modèle de financement des campagnes électorales et exhalées par les vidéos de campagne absurdes et grotesques, de même que le caractère hors-sol de la classe politique, que les États-Unis peuvent apporter un « engagement durable de l’Amérique envers l’Afrique » et susciter une « coopération plus étroite sur les priorités mondiales communes ». La
stratégie du « leading from behind », l’insurrection du Capitole ainsi que le retrait désastreux des forces armées américaines d’Afghanistan symbolisent la décadence de la puissance américaine. Hier, ne pas avoir soutenu réellement l’Afrique, comme ils ont eu à le faire, en participant à la reconstruction de l’Europe dévastée par le second conflit mondial, augure manifestement qu’ils ne le feront pas en temps de crise systémique globalisée, aujourd’hui.

Les États-Unis, et plus globalement le monde occidental, feignent d’ignorer que le monde emprunte le chemin de futurs immenses bouleversements politiques, économiques et sociaux. La poussée démographique dans certaines régions du monde combinée à la raréfaction et l’épuisement structurel des ressources naturelles, notamment énergétiques (atteinte pic production pétrolière conventionnelle en 2008, gazière vers 2030), provoquent une contraction évidente des économies industrialisées, nourries aux hydrocarbures. Par ailleurs, la société américaine se trouve dans l’impossibilité de changer radicalement son mode de vie. La civilisation consumériste ne se transforme pas en quelques décennies. De là l’impossibilité d’atteindre les objectifs des COP sans une solidarité mondiale et un changement de paradigme. Utopique.

De là l’irrépressible exigence de comprendre et de retenir définitivement la nature des relations que l’Afrique tisse, depuis plusieurs siècles, avec les États-Unis, et plus généralement, avec leurs ancêtres européens. L’avenir lumineux du continent africain se trouve essentiellement dans la quête de la dignité et la construction de la volonté de puissance. Il s’agit de se donner les moyens de ses luttes. La souveraineté africaine, pour l’émancipation et l’épanouissement des peuples du continent, passe inéluctablement par le principe de mutualisation des politiques à l’échelle régionale ou même mieux, continentale, puisque les frontières entre politique intérieure et étrangère s’effondrent progressivement de nos jours. Mutualisation des forces de défense et de sécurité.

Mutualisation de la politique étrangère. Mutualisation de la politique économique. Et, cela passe aussi par la hausse du niveau de connaissance et l’exaltation permanente des cultures africaines. Seulement, l’Afrique éduque et instruit mal ses enfants. Le continent est la seule région du monde vraisemblablement qui consomme ce qu’elle ne produit pas et produit ce qu’elle ne consomme pas.

Comment comprendre que des espaces considérables continuent d’abriter les cultures d’exportation et non transformées (cacao, café, thé, fleurs, etc.) introduites par les envahisseurs-prédateurs lors de la colonisation alors que les populations ont d’innombrables difficultés à se nourrir et à se vêtir convenablement ?

De plus, le continent doit concevoir un nouvel idéal de société, et peut-être inspiré d’autres régions du monde. Le mode de production capitaliste, la société de concurrence et de compétition sauvage, les relations internationales fondées essentiellement sur la conquête de marchés, la militarisation de couloirs maritimes et terrestres, le creusement des inégalités sociales et la destruction des écosystèmes naturels, et portés par les inventions absurdes que sont la publicité, le marketing et les relations publiques, sans oublier les classements de magazines comme Forbes, ont fini d’aliéner les sociétés humaines, exacerbé la cupidité et la vanité des hommes. Ces phénomènes doivent inviter à changer radicalement le système de production et de répartition des richesses du monde. Il est temps que le continent s’affranchisse du modèle de développement économique dans lequel il a été contraint d’être inséré depuis les épisodes des razzias négrières et de la colonisation, entreprendre une étude empirique et sans complaisance des réalités complexes de ses sociétés jadis qui ont favorisé la survenance de ces tristes phénomènes. Un système qui engendre une infantilisation permanente du continent, l’assujettit dans un rôle de pourvoyeur de matières premières, un réceptacle de marchandises, le plus souvent bas de gamme, des industries éloignées, et le transforme en un terrain de confrontations entre puissances étrangères.

Pour finir, il est important de garder à l’esprit que la jeunesse africaine ne restera pas passive face à des impératifs et des devoirs non accomplis. Des crises aigues peuvent advenir et aboutir dans des guerres civiles dans beaucoup de pays en Afrique. Des dirigeants restent cupides et vaniteux. Ils seront surpris et balayés par un vent de révolte.

PS : bilan du président en exercice de l’Union Africaine.

D’abord, le plaidoyer pour la réallocation des droits de tirage spéciaux aux États africains, par le Fonds monétaire international (FMI), face à la pandémie de Covid-19 pour permettre au continent d’amortir les conséquences de la crise économique engendrée par les bouleversements dans les chaines de valeur mondiales, à la suite du ralentissement de la production de biens et de services.

Ensuite, face au risque de “famine“ sur le continent, le président en exercice de l’Union africaine s’est rendu en Russie pour “négocier“ la livraison des stocks de céréales, déjà payés par des pays africains, malgré les aléas de la guerre, pour empêcher une crise alimentaire, pouvant déboucher sur des instabilités sociales. Lesquels stocks se sont davantage dirigés vers des régions autres que celles du continent.

Enfin, la demande de financements pour l’adaptation au dérèglement climatique. Les pertes et dommages sont causés par les pays dits développés, l’Afrique demande en contrepartie, des financements pour la transition énergétique et la ‘‘permission’’ pour l’exploitation de ses propres potentialités énergétiques et son industrialisation.

Le bilan de l’exercice du président Sénégalais à la tête de l’Union africaine se résume à des mesures non-structurelles. Il se décline ainsi : tendre la main à l’extérieur pour du « blé » (réallocation des DTS, financement de la transition énergétique) et encore, pour du « blé »
(acheminent de production de céréales). L’Afrique mérite mieux.

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