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FESTIVAL BFI LONDRE, LE SENEGAL BIEN REPRESENTE

La première mondiale à guichet fermé de Xale s’est tenue, jeudi 6 octobre, dans le cadre du 66ème BFI London Film Festival, célébré dans plusieurs salles de cinéma du 5 au 16 octobre. La projection s’est tenue en présence du réalisateur Moussa Sène Absa, ainsi que de sa distributrice, Claire Diao, fondatrice de Sudu Connexion.

Il y a deux semaines, la Direction de la cinématographie du Sénégal annonçait la sélection de Xale, le dernier long métrage du réalisateur Moussa Sene Absa, pour représenter le Sénégal à la 95ème cérémonie des Oscars, prévue le 12 mars 2023 à Los Angeles. Le comité de sélection nationale était composé par plusieurs personnalités clé du milieu cinématographique contemporaine, y compris Moly Kane, réalisateur et directeur du Festival Dakar Court ; Amina Seck, scénariste ; Fatou Touré, réalisatrice ; Babacar Diop, journaliste critique ; Mamadou Matar Dramé, secrétaire de séance, et le président du jury, Thierno Diagne Ba, spécialiste des industries culturelles. Le jury avait souligné « la qualité technique et artistique » du film, en la qualifiant de « pertinent, philosophique et psychologique ». Maintenant, Xale commence à circuler autours du monde pour s’ouvrir au grand public et ainsi engager à toute la population à connaître l’histoire d’Awa, cette jeune fille qui « réussit à faire face à son destin », comme l’affirme Moussa Sene Absa.

La tournée du long-métrage a commencé à Londres, dans le cadre du 66ème BFI London Film Festival, célébré dans plusieurs salles de cinéma du 5 au 16 octobre. La première mondiale à guichet fermé de Xale, en présence du réalisateur ainsi que de sa distributrice, Claire Diao, fondatrice de Sudu Connexion, a eu lieu le jeudi 6 octobre, et a été suivi par deux autres projections le vendredi 7 octobre. Cela fut une présence historique, étant donné qu’il s’agit de la première à la capitale anglaise, fascinée avec l’univers crée par Moussa Sene Absa, et l’interprétation des acteurs clé du cinéma sénégalais, avec Rokhaya Niang et Ibrahima Mbaye Tché, mais aussi, le début de Nguissaly Barry, en tant que protagoniste, pour jouer impeccablement le si important rôle d’Awa.

Xale arrive vingt ans après l’inoubliable Madame Brouette, en tant que la conclusion d’une trilogie sur le destin de la femme qui avait commencé avec Tableau Ferraille (1996). « Ce qui lie les trois films c’est le cœur, c’est la rumeur », affirme le réalisateur lors de son passage à Londres. En effet, en regardant le film, tout d’un coup il y a une disparition des vingt ans qui séparent Madame Brouette et Xale. Les histoires commencent à s’entremêler, le temps semble le même, car il réunit plusieurs temporalités, plusieurs rêves, à travers une musicalité méticuleusement composée. Comme le réalisateur dit : « Il y a des bouts qui viennent. C’est comme les premiers chants de Tableaux Ferraille, et puis, les premiers chants de Madame Brouette… Toujours comme des accompagnateurs. Il s’agit d’une musique qui est dans la tête. »

 Dans plusieurs moments dans le film Xale, des personnages qui se trouvent apparemment tous seuls, sont entourés par des gens, parfois des femmes, parfois des hommes, d’autres, des femmes et des hommes ensemble, et habillés dans la même couleur, des couleurs qui changent aussi par rapport au moment psychologique des personnages. Ces gens commencent à chanter, tous ensemble, synchronisés, pour exprimer à travers la musique ce qui peut-être n’est pas dit. Ils sont des personnes peut être invisibles pour certaines. Le cinéma devient alors une technologie magique capable de nous mettre dans la tête des personnages afin de bien les comprendre, dans toute leur complexité.

Xale, constitue ainsi la culmination d’une trilogie qui s’agit d’un récit sur « la quête de bonheur », selon son créateur, Moussa Sene Absa : « Autant Gagnesiri, cherchait le bonheur dans Tableau Ferraille, elle pensait l’avoir trouvé et puis quelque chose d’inattendu est venue, son manque de maternité, et puis la polygamie, le trouble de la vie… Autant aussi, Mati, dans Madame Brouette, est une femme qui avait dit, moi, non, moi les hommes, c’est terminé. Et puis elle tombe amoureux avec quelqu’un de beau, mais elle se rend compte qu’en fait c’est un monstre, parce qu’il ne sait pas aimer ».

Dans Xale, on rencontre encore cette femme qu’on avait connue dans Madame Brouette. L’actrice Rokhaya Niang, qui avait joué le rôle de Madame Brouette, est maintenant Fatou. Fatou est la complice et bien-aimée tante d’une jeune fille très responsable et bonne étudiante, qui s’appelle Awa. Celle-ci est très attachée à sa grand-mère, souffrante, et à son jumeau, qui rêve de voyager en France pour trouver l’eldorado. Avant de décéder, la grand-mère d’Awa communique à sa tante Fatou qu’elle doit marier Atoumane, son cousin, mais après le décès, elle refuse et finit par marier son amoureux. « Elle représente l’amour accompli », affirme Sene Absa.

Xale devient ainsi un récit sur « l’innocence déchiré », ajoute-il le réalisateur. Et malgré les difficultés qu’Awa aura dans sa vie, elle retrouve l’amour aussi. « Awa réussit quelque chose que les autres n’ont pas réussi. Elle réussit à faire face à son destin », raconte Sene Absa.

En tant que conclusion de cette trilogie dont le thème central est la femme, il y a une force additionnelle dans l’histoire du film. Comme le réalisateur observe lui-même, « ce film est une vraie prise de parole ». Les chœurs ne se limitent pas à transmettre les pensées et inquiétudes des personnages dans le film. Ils jugent, ils dénoncent. « C’est la justice populaire, c’est la société qui juge », affirme Sene Absa. C’est un appel à parler, à l’action, au nom de la dignité. Elle ne devient ainsi pas seulement une histoire sur la femme, mais une histoire « humaine, universelle, » comme le souligne le réalisateur. Au fait, elle réunit aussi d’autres sujets traités dans des films au-delà de cette trilogie, comme l’immigration non régularisé, qu’on avait vu dans son film précédent, Yoolé (2010).

« Film très personnel »

Xale est un film « très personnel », selon les mots de Moussa Sene Absa. Si personnel que le réalisateur ne reste pas derrière la caméra. Il fait partie du tissu du film. On le retrouve dans l’état psychologique d’Atoumane, cet homme violent qui perturbe Fatou et alors sa nièce, Awa. Moussa Sene Absa fait partie du chœur en train de défier la présence violente d’Atoumane. Il le juge, il dénonce sa violence, son impuissance d’aimer. « C’est un film où je me mets en scène. Je fais partie de la rumeur. Je crée la rumeur, mais je crée le jugement aussi, et le regard. Je fais partie de ceux qui donnent une ponctuation au récit », raconte l’acteur, réalisateur, et musicien, l’artiste.

Le film semble aussi une lettre d’amour à ses racines, le quartier Tableau Ferraille à Dakar et le village de Popenguine sur la petite côte : « J’ai tourné tout à Tableau Ferraille, à Yaraax », affirme Sene Absa. Il décrit Tableau Ferraille en tant que « son studio des rêves », en ajoutant : « C’est là où je fabrique tous les rêves. Je suis un élément de Tableau Ferraille. Tableau Ferraille c’est presque dans mon Adn. C’est un microcosme de possibilités où tous les rêves sont là. Tous les personnages de mes films viennent de là. Tout mon imaginaire, en fait, vient de là. Je n’imagine aucun autre décor que là. Donc c’est un laboratoire d’idées, mais c’est aussi un élément constitutif de mes rêves ». Tous les décors sont soigneusement choisis, en faisant voyager dans l’histoire, pour faire de ces personnages de véhicules des idées et moments et personnages clé du Sénégal et du panafricanisme.

« Je compose un univers suivant les besoins de mes récits », continuait le réalisateur, en train de parler des choix de lieux du film.

Lors de son passage à Londres, Moussa Sene Absa se réjouissait du fait que Xale est un film entièrement sénégalais, tourné avec une équipe sénégalaise intergénérationnelle, et qui a bénéficié du financement du Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) du Ministère de la Culture du Sénégal, avec le soutien d’autres identités.

Moussa Sene Absa continue la tournée internationale de son long-métrage Xale aux États-Unis, pour le Mill Valley Film Festival et à la fin d’octobre en Australie, pour l’Adélaïde Film Festival. Un cinéma qui devient un espace de rêves, de ce qui est possible, et ainsi, une Afrotopia, comme le dit le philosophe sénégalais Felwine Sarr.

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