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LA FOLLE JOIE DE DETRUIRE LES BIENS PUBLICS

La destruction des biens publics est devenue une marque effroyable qui caractérise le Sénégal de nos jours. Pour n’importe quelle raison, la propriété commune est caillassée, les ouvrages d’utilité publique sont sabotés, des édifices publics sont mis à sac. Cette folie a fini de gagner tous les cercles d’activité.

Les triomphes de nos lutteurs ou leurs déconvenues sont l’occasion d’arracher les sièges de l’Arène nationale de Pikine. La fin des cours dans les établissements scolaires est célébrée par nos écoliers en cassant les tables-bancs et en saccageant les salles de classe. L’épisode du Lycée de Yoff est encore frais dans les mémoires. En un an, jour pour jour, une chronique de Madiambal Diagne parue dans ces colonnes, s’interrogeant sur des maîtres qui seraient tombés au niveau de leurs élèves, suite à des cas d’enseignants violentés par leurs apprenants, n’aura pris aucune ride. Nos étudiants réclament leurs repas en mettant les restaurants universitaires sens dessus-dessous. Les revendications syndicales sont conduites en sapant la bonne marche des outils de travail. Les procès dont l’issue pourrait être défavorable à des groupes spécifiques, poussent à casser des tribunaux.

C’est dans ce pays qu’un Tribunal a été mis à sac à Louga, au vu et su de tous. Des commissariats de police ont aussi été pris d’assaut à Mbour et Saint-Louis dans un passé tout récent. C’est dans ce pays que des installations destinées à l’évacuation des eaux sont sabotées et bouchées dans différentes agglomérations afin d’amplifier les dommages dans des villes à l’assainissement défaillant. De Yoff à Keur Massar, sans oublier Thiès, des actes de vandalisme ont été commis sur les réseaux d’assainissement. On ne peut comprendre quelle raison ou cause pourrait justifier une telle conduite dommageable à tous. L’effort mis pour fourrer des sacs remplis de sable dans des égouts aurait une sacrée utilité communautaire, s’il était mis ne serait-ce qu’à désensabler une artère avant le passage des pluies. C’est dans ce pays que des bus destinés au transport interurbain par la société Dakar Dem Dikk ont été caillassés avant même leur exploitation commerciale. Des câbles ont été sectionnés sur le tracé du Train express régional, entravant une journée entière le trafic, avec bien peu d’égard pour la sécurité des usagers. C’est dans ce pays que les lampadaires aux entrées et sorties des villes servent de glissières aux automobilistes imprudents, s’ils sont laissés intacts par les arracheurs de plaques solaires.

Le tableau peut ne pas être complet, mais ces situations ont comme dénominateur commun le manque de considération envers la chose publique et la propriété commune. La chose commune est le parent pauvre de la marche de la société sénégalaise. Elle est la cible de toutes les furies. Tout groupuscule ou énergumène peut s’en prendre à elle, et souvent, l’Etat, qui doit la protéger, préfère passer l’éponge sur beaucoup d’actes vandales. Jusqu’où allons-nous continuer à détériorer impunément tout ce qui constitue notre cadre de vie commune ? Allons-nous un jour nous rendre compte que tout ce qui est détruit ou saboté est financé par nos contributions à tous ? Quand serons-nous vraiment guéris de cette Shadenfreude (joie malsaine) nourrie en voyant la destruction de nos biens communs ?

Une éducation citoyenne et républicaine est à faire pour qu’à tous les niveaux, une prise de conscience sur l’importance et la nécessaire préservation du bien public soit des valeurs cardinales de notre modèle de société. La sanction également doit prendre la place qu’il faut dans tous les actes répréhensibles. La langue wolof a cette tendance assez particulière de s’approprier tout, à la première personne, en glissant des «Sama» à tout-va. Il faudrait bien qu’un jour nos amis linguistes et sociologues nous aident à comprendre pourquoi le «Sunu» tant voulu ne se matérialise que difficilement sous nos cieux. Nos biens publics souffrent assez de ne pas être autant chéris que la propriété individuelle sous nos cieux.

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