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À L’ORIGINE DU TITRE FONCIER DE TOUBA

D’un bail signé, en 1930, par l’autorité coloniale, la cité religieuse jouit d’un Titre foncier au nom de Cheikh Ahmadou Bamba. Après une dernière extension, en 2005, sous Serigne Saliou Mbacké, beaucoup d’habitations se trouvent en dehors du tracé du Titre foncier. Même si Touba bénéficie d’un statut d’exterritorialité, il se pose, dès lors, le débat sur l’élargissement de cette assiette foncière.

Quel endroit est mieux indiqué que Bëyti pour conter l’histoire du Titre foncier de Touba ! La demeure est située non loin de la Grande mosquée. Tout un symbole. Juste après la prière de l’Asr (Takusan), Serigne Ousmane Mbacké, fils de Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, et quelques disciples s’y retrouvent. Une demeure majestueuse. La vaste cour est bien nettoyée avec son sable fin et propre. Des nattes sont étalées à même le sol. Le chef religieux, par ailleurs Coordonnateur du Comité d’organisation du grand Magal de Touba, et les disciples y prennent place autour d’un sachet rempli de cacahuètes. Le café Touba est aussitôt servi à volonté. Bëyti est un pan important de l’histoire de Touba, la cité de Cheikh Ahmadou Bamba. Ville emblématique, ville sainte, « ville idéale » fondée par Cheikh Ahmadou Bamba, Touba est devenue la deuxième plus grande ville du Sénégal en termes de population.

Cependant, ce qui fait la spécificité de Touba est qu’elle bénéficie d’un statut d’exterritorialité. Touba est un Titre foncier au nom de Serigne Touba, précise d’emblée Ahmadou Ndiaye Nguirane, tasse de café Touba à la main. Maître coranique, mais aussi chercheur mouride, M. Nguirane informe que cette cité est le deuxième village fondé par Cheikh Ahmadou Bamba après Darou Salam. Cependant, ce qui fait sa spécificité est que son fondateur voulait en faire une ville religieuse, un endroit pour adorer Dieu. « Ce n’est pas une terre qu’il a cherchée pour développer l’agriculture ou l’élevage. C’est Dieu qui l’a guidé vers cette terre. Dans Matlabul Fawzeyni, il a formulé tous ses vœux pour cette ville. Son projet était de faire de Touba une ville de recherches, d’enseignement et d’apprentissage des saintes écritures, un endroit pour former des hommes, un capital humain », informe Ahmadou Ndiaye Nguirane.

Serigne Moustapha Mbacké, le bail et les 5 millions

Même si Cheikh Ahmadou Bamba n’a pas vécu très longtemps dans la cité religieuse, cette ville lui tenait à cœur. Depuis le Gabon, où il était exilé par le colon, il priait pour son retour à Touba, sa « ville idéale ». Mais, d’après M. Nguirane, depuis son départ de Touba, en 1895, Cheikh Ahmadou Bamba n’y est pas revenu. Cependant, dans ses écrits, il continuait à prier pour le rayonnement de cette ville. Le grand retour n’aura lieu qu’en 1927 quand il a rendu l’âme. Il a été inhumé dans sa première demeure de Touba conformément à son vœu.

Après sa disparition, en 1927, la principale préoccupation de son fils, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, par ailleurs son premier Khalife, était de sécuriser le foncier de Touba pour mieux mettre en œuvre les projets de son défunt père. L’un des plus grands était la construction de la Grande mosquée de Touba. Dès 1928, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké a commencé les démarches pour obtenir des papiers permettant d’avoir un titre de propriété sur le lieu où sera érigée la future mosquée, rapporte le chercheur mouride. « C’est le 11 août 1930 qu’il a obtenu un titre de bail avec des papiers à l’appui. Le bail s’étendait sur une superficie de quatre km2, c’est-à-dire 400 hectares. La mosquée en était le point de départ. Toute cette superficie lui appartenait », renseigne le spécialiste de l’histoire du Mouridisme.

Serigne Mouhamadou Moustapha a mis le bail au nom de Cheikh Ahmadou Bamba. « Pourtant, il pouvait y mettre son nom, car c’est lui qui a mené toutes les démarches », relate Ahmadou Ndiaye Nguirane. Selon lui, le premier Khalife de Serigne Touba avait dépensé environ cinq millions de FCfa à l’époque pour entrer en possession du fameux papier. Après avoir obtenu le bail qui s’étendait sur 50 ans, il pouvait ainsi lancer le gigantesque projet de construction de la Grande mosquée de Touba. Celle-ci est devenue, aujourd’hui, l’un des plus grands lieux de culte du Sénégal. De loin, on peut apercevoir les minarets de cet édifice qui est symbole de la capitale du Mouridisme. Il est, par excellence, le point de départ de l’histoire de la capitale du Mouridisme.

Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma et le Titre foncier

Après cette première concession foncière, Touba a multiplié les démarches. Finalement, c’est sous le khalifat de Serigne Abdoul Ahad Mbacké que le bail a été modifié en Titre foncier. D’après Ahmadou Ndiaye Nguirane, Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma a mené toutes les démarches jusqu’à l’obtention du Titre foncier de Touba. Celui-ci, dit-il, est aussi le maître d’œuvre du lotissement de la ville sainte. Même si le Titre foncier-mère s’étend seulement sur quatre kilomètres à la ronde à partir de la Grande mosquée de Touba, Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké, fils du Khalife général des Mourides, renseigne que le Titre foncier a connu, par la suite, un élargissement du fait de la forte poussée démographique de la ville religieuse. Les limites du Titre foncier, confirme Ahmadou Ndiaye Nguirane, ont été élargies en 2005. Cette extension, précise-t-il, s’étend sur un rayon de 15 km à la ronde. « Les bornes montrant les limites du Titre foncier étaient implantées partout », renchérit-il.

Après 2005, vers une nouvelle extension ?

Entre 2005 et maintenant, la ville religieuse a connu une forte poussée démographique. Des villages comme Ndindy, Darou Karim et Sam sont tous rattachés à Touba. Beaucoup d’habitants se sont installés dans les périphéries de la ville, sous la bénédiction du Khalife général des Mourides. « Ceux qui habitent, aujourd’hui, derrière le Titre foncier sont tous de Touba », fait savoir Fallou Galass Sylla. Il souligne qu’il faut penser à un nouvel élargissement du Titre foncier. Ahmadou Ndiaye Nguirane est aussi du même avis. « Je pense qu’il est temps d’avoir une nouvelle extension, car la ville s’agrandit de jour en jour », dit-il. Mais, pour Serigne Fallou Galass Sylla, il n’y a pas lieu de s’inquiéter ; si une nouvelle extension s’impose, l’actuel Khalife va très vite s’en occuper avec les autorités compétentes.

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