Corruption sur le foncier au Sénégal: cette enquête du CRES pour l’OFNAC qui accable l’Etat et ses services
Le foncier au Sénégal, c’est, aujourd’hui, des acteurs divers, des enjeux multidimensionnels et des intérêts divergents. Étant l’espace sur lequel s’exerce l’essentiel des activités humaines, il suscite beaucoup de convoitises surtout dans les départements de Dakar, de Thiès et de Mbour. Dans le contexte actuel caractérisé par une marginalisation de plus en plus remarquée du droit foncier positif, on assiste à une ruée vers la terre et à une prolifération de pratiques de corruption et de fraude« . C’est la première phrase du rapport de 87 pages du Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES) qui détaille l’Etude sur la Corruption dans le secteur.
Ce rapport final, réalisé par les Professeurs Abdoulaye Sakho, Abdoulaye Dieye, Abdoulaye Diagne et le Magistrat à la retraite, Ibrahima Ndoye, reconnaît dans son introduction: « Il convient de souligner qu’il n’a pas été possible d’aller au-delà du raisonnement en termes de possibilités de corruption. Faute de preuves tangibles, résultant par exemple de décisions de justice, il est difficile de verser dans la dénonciation de faits de corruption sur la base de simples soupçons ou suppositions« .
L’Etat du Sénégal, incapable de gérer son sol
Selon le rapport du CRES, « l’Etat peine dans l’organisation et la gestion rationnelles du sol. Il a toutes les difficultés à anticiper et à organiser l’occupation du sol par la fixation des orientations fondamentales de l’aménagement des périmètres communaux. logements…), extension horizontale des villes dans des zones non planifiées, etc. » Les autorités ont entrepris des initiatives de réforme foncière qui n’ont jamais abouti.
La dernière en date, par décret n°2012-1419 du 6 décembre 2012, le président de la République Macky Sall avait créé une Commission Nationale sur la Réforme Foncière (CNRF) avec pour missions : « de conduire toutes les études et recherches relatives à l’occupation du domaine de l’État et du domaine national ; d’analyser les textes législatifs et réglementaires en vigueur et de faire des propositions de modification ; d’identifier les contraintes et de mettre en place un cadre juridique et institutionnel attractif, offrant des garanties aux investisseurs et assurant la sécurité et la paix sociale, en vue d’une gestion rationnelle du domaine de l’État et du domaine national ; de proposer des solutions durables aux conflits fonciers résultant de l’occupation des domaines susvisés ; et plus généralement, d’exécuter toutes missions qui lui sont confiées par le Président de la République« .
Le rapport produit par la CNRF et remis au Président de la République, le 20 avril 2017, n’a pas été validé. La Commission a été dissoute le 26 mai 2017.
« Ces hésitations et louvoiements des autorités étatiques font naitre chez certains le sentiment que tout peut être tenté s’agissant du foncier car le droit positif semble être mis entre parenthèses« , note le rapport.
Qui ajoute que « le cadre juridique défaillant du foncier combiné à un certain nombre d’externalités négatives rend difficile une gestion saine et vertueuse du sol sénégalais. En lieu et place d’une réforme globale du système foncier, des tentatives de réponse à des problèmes sectoriels ont été apportées à travers la création d’entités institutionnelles aux domaines de compétence bien ciblés. Les résultats de cette approche sont pour le moment, mitigés« .
Le rapport est également revenu sur plusieurs dossiers de litiges fonciers opposants des privés à des populations comme le cas de Ndingler.
Ces lenteurs administratives dans l’attribution de terres qui favorisent la corruption
Aussi, à la page 51 du rapport, sont notées « les lenteurs excessives dues à la multiplicité des intervenants dans la gestion du domaine privé de l’État ». Les rédacteurs de souligner que « la procédure d’instruction des demandes d’attribution des dépendances du domaine privé de l’État, est longue car faisant intervenir plusieurs services de l’administration sans l’avis positif desquels, la procédure ne pourrait aboutir favorablement. Elle est également longue car aucun service n’a un délai d’instruction bien déterminé à respecter. La procédure est entamée à la suite de la demande écrite de l’intéressé qui prend l’initiative, en saisissant le Chef de Bureau des Domaines compétent et en précisant l’objet de la demande« .
Ainsi du Chef du bureau des Domaines concerné à la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) en passant par le Cadastre, « Il y a là, à travers cette procédure parsemée d’embûches, un terreau fertile à la corruption« , note le rapport.
Dans la dernière partie de son étude sur la Corruption dans le secteur du foncier, « le CRES préconise des réformes du cadre juridique du foncier pour l’adapter aux exigences d’un développement durable tout en créant les conditions d’une gestion apaisée et en éradiquant toutes les vulnérabilités à la corruption ».
AYOBA FAYE