DÉCADENCE POLITIQUE DU RÉGIME DE MACKY SALL !
Depuis son élection en 2012, le régime de Macky Sall n’a jamais été autant malmené à l’issue d’un scrutin. Même si chaque camp, pouvoir comme opposition, réclame la victoire, force est de constater une décadence politique du côté de la mouvance présidentielle. Des analystes politiques livrent leur lecture.
La Commission nationale de recensement des votes ne devrait pas tarder à communiquer les résultats des élections législatives du 31 juillet 2022. Pendant ce temps, Yewwi Askan Wi (Yaw) crie victoire et Benno Bokk Yaakaar (Bby)fait de la résistance. Mais quoi qu’il en soit, cette percée de l’opposition sonne comme une fin de gloire pour la mouvance présidentielle.
Joint au téléphone par «L’As», l’enseignant chercheur à l’Ugb et analyste politique, Moussa Diaw, soutient que si ces tendances se confirment, elles traduiront un échec de la majorité. A l’en croire, la mouvance présidentielle a été sanctionnée par rapport à sa gouvernance, l’attitude de certains leaders non conformes à la morale et à l’éthique. «De hauts responsables politiques sont impliqués dans des détournements de fonds sans jamais être inquiétés. Certains leaders montrent une opulence ou vivent de façon ostentatoire alors que les populations font face à la pauvreté, les jeunes sont au chômage, et les denrées de premières nécessités connaissent une certaine hausse. Et il n’y a aucune politique efficace adaptée à cette situation », se désole-t-il. Conséquence, il souligne que les populations sont laissées à elles-mêmes. Ce qui crée des frustrations et autres mécontentements.
Poursuivant, Moussa Diaw estime que la majorité est aujourd’hui décimée et c’est une forme de décadence politique. En effet, dit-il, ces résultats sont les conséquences du décalage entre les populations et des leaders politiques qui n’ont pas tenu compte des problèmes que vivent les populations. «Et elles l’ont manifesté dans les urnes dimanche dernier », précise-t-il. En ce qui concerne la conférence de presse de la tête de liste de Bby réclamant la victoire de son camp, l’enseignant chercheur à l’Ugb pense qu’Aminata Touré a tout simplement voulu déroger à certaines règles républicaines. «Cette sortie montre qu’elle ne respecte pas les organes chargés d’organiser les élections et de donner les résultats.
Cette stratégie de barrage n’est pas conforme à une responsabilité de la posture d’une ancienne Premier ministre qui a une expérience démocratique et qui doit donner l’exemple par rapport au respect des règles du jeu démocratique», explique-t-il. Aussi relève-t-il en soutenant qu’il faudrait peut-être lui accorder une circonstance atténuante parce que déstabilisée certainement par la défaite. «Ce n’est pas tout le monde qui peut résister à de telles situations. Mais elle devrait être préparée à ce type d’épreuves. Surtout que ce type de comportement peut générer de la violence ou créer des troubles inutiles dans l’espace politique», a affirmé Moussa Diaw.
Par ailleurs, l’enseignant chercheur à l’Ugb estime toujours que si les tendances se confirment, il y aura une cohabitation à l’Assemblée nationale. «Cela veut dire qu’il y aura un changement dans la gouvernance politique. Le président de la République sera obligé de dialoguer avec la majorité parlementaire si elle est de l’opposition. Et si on respecte la tradition républicaine, le premier ministre devrait être choisi dans les rangs de l’opposition parlementaire. Il y aura ainsi une nouvelle reconfiguration des rapports de force qui aura également un impact dans les attitudes des acteurs politiques», indique l’analyste politique. Selon lui, au cas où il y aurait cohabitation, ce serait une situation inédite dans notre système politique parce que les gens ne sont habitués à partager le pouvoir. Maintenant, précise-t-il, chacun devrait respecter les prérogatives de l’autre ou éviter de les empiéter pour ne pas bloquer le fonctionnement des institutions.
«CES TENDANCES SONT LA RÉSULTANTE D’UNE DYNAMIQUE DE PROGRESSION DE YAW»
Joint également par «L’As», le journaliste et analyste politique, Pape Sané a déclaré que ces tendances sont la résultante d’une dynamique de progression de Yaw et le fruit de l’alliance YawWallu. A l’en croire, au lendemain des locales, le pouvoir n’avait pas bien décrypté le message voulant ainsi mettre en avant une victoire démographique au lieu de se pencher sur une défaite politique. «Bby s’était mis à dénombrer et à se vanter du nombre de départements et de communes remportés alors qu’elle devrait tourner cette page et travailler à récupérer ses bastions citadines», a-til soutenu.
A l’en croire, la victoire de Yaw dans les plus grandes villes du Sénégal prouve quelque part qu’elle a gagné ces législatives. «Maintenant, on peut jouer sur les mots et parler de victoires en avançant 30 départements gagnés. Mais, force est de constater que les centres névralgiques sont dans les mains de l’opposition. Et cela présage d’énormes difficultés pour le parti au pouvoir en 2024. Perdre les principaux bastions politiques à deux ans de la présidentielle ne concoure pas à rassurer et raffermir le moral des troupes», alerte-t-il.
En définitive, Pape Sané indique qu’Ousmane Sonko n’a pas été candidat, mais qu’il a été le métronome de toute cette campagne. «Les leaders de Yaw ont joué le jeu en mettant ce phénomène qui est le leader des Patriotes. Ce dernier gagne donc aujourd’hui doublement sur Yaw et Wallu et même sur Bbt. On l’a empêché d’aller aux élections et cela ne l’a pas empêché d’engranger tous ces points qui confirment son ascension depuis février 2019», a conclu le journaliste et analyste politique.