ACTUALITES

«LA COMMUNICATION DU MAGAL DOIT SE FOCALISER SUR L’INSÉCURITÉ, LA PAUVRETÉ ET L’INSALUBRITÉ À TOUBA»

Responsable des Soufis Intellectuels du Sénégal, Serigne Fallou Dieng est un petit-fils de Serigne Touba. Il incarne la philosophie et la culture spirituelle de Serigne Sohibou Mbacké qui se trouve être son marabout. Régulièrement domicilié à Touba, Serigne Fallou Dieng revient avec courage et objectivité sur la problématique de la pauvreté, de l’insécurité et de l’insalubrité dans la capitale du mouridisme. Une interview idoine en cette période de préparatifs du grand Magal de Touba.

Le Témoin : Le Magal de Touba sera bientôt au cœur de l’actualité religieuse, sociale, politique et économique. C’est quoi le 18 Safaar avant de parler du Magal ?

Serigne Fallou Dieng : Effectivement, le grand Magal sera au cœur de l’actualité au Sénégal et ailleurs. Car c’est un grand événement qui consiste à célébrer le départ de Cheikh Ahmadou Bamba en exil. Donc sa célébration perpétue le double souvenir c’està-dire le souvenir des affres de la déportation et celui des allégresses du retour, de la délivrance des grandes épreuves et du sacre spirituel assorti d’élection divine et d’accession à la plus haute stature mystique. Vous n’êtes pas sans savoir que le sacre du Cheikh est le sacre de tous les saints élus de Dieu. Et son triomphe est celui de tous les résistants culturels contre l’oppression coloniale et marque la fin de toutes les dominations, de tous les asservissements et esclavages. Le Magal de Touba constitue également un héritage immatériel, socle d’une émancipation socioculturelle collective et représentant une tradition. Cette tradition évolue au cours de l’histoire et se perpétue de génération en génération en forgeant une identité culturelle, composante essentielle de notre communauté humaine. Bref, le grand Magal de Touba est une messe d’actions de grâce animée de ferveur carnavalesque, regroupant des millions de Sénégalais. Donc cet événement religieux exceptionnel est véritablement un patrimoine immatériel.

Comment Serigne Fallou Dieng compte célébrer le grand Magal en tant que soufi d’abord, et petit-fils de Serigne Touba Khadim Rassoul ?

Comme les musulmans et talibés mourides, je le célèbre avec un sursaut de joie dans une ambiance de ferveur et de recueillement spirituel. Et vu que le Cheikh eût accédé à ses grâces (très glorieuses et faveurs aussi majestueuses que prodigieuses) à coup de sacrifice, de don de soi, de dénuement, nous à notre niveau c’est-à-dire mes talibés et moi, nous le célébrons avec amour et émotion pour pouvoir amasser des bénédictions. Et de glaner surtout des faveurs pour trouver des moyens financiers subséquents afin de mettre les petits plats dans les grands visant à assurer une restauration de masse basée sur de copieux repas. Comme chaque année, la volonté divine m’accorde par la grâce de Cheikh Ahmadoul Khadim de faire des sacrifices bovins, ovins et dromadaires de nature pour pouvoir satisfaire la diversité gastronomique des parents et talibés. Donc malgré la précarité et le frémissement des conditions financières, je parviens à obtenir des montants financiers subséquents pour acheter tous les outils de commodité et subvenir aux besoins.

Serigne-Bi en matière d’investissement ou de réalisation comme la Mosquée Massalikou Djinane de Dakar, on constate que les talibés mourides sont plus généreux et plus engagés dans la mobilisation des fonds que les membres de la famille Mbacke Mbacke. Pourquoi un tel écart de générosité tout à fait paradoxal ?

Une très bonne question ! Seulement, il est bon de rappeler que le montant de l’épargne que Cheikh Serigne Saliou Mbacké avait eu à léguer à la communauté mouride est estimé à prés de 17 milliards cfa. Depuis l’accession de l’actuel Khalife général Cheikh Mouhamadoul Mountakha, la famille de Serigne Fallou a déjà eu à remettre plus de 700 millions cfa à titre de contribution dans de nombreux projets initiés par Touba. Il y a des rôles initiaux congénitaux avec la naissance de la confrérie mouride. Le Cheikh Ahmadou Bamba l’avait conçu ainsi. Avec la répartition des rôles, les marabouts sont les récepteurs et collecteurs des dîmes religieux tandis que les fidèles disciples s’acquittent des dons. Donc les fidèles sont tenus par l’obligation de subvenir aux besoins afin que les marabouts puissent disposer de ce qui est nécessaire aux cultes religieux. Vous savez, les mourides s’illustrent de la capacité extrême d’autofinancement et de la gestion auto décentralisée.

Comment voyez-vous la pauvreté, l’insécurité, la circulation anarchique des voitures hors règles administratives, les inondations etc à Touba ?

Malgré le fait que le président Macky Sall entretient une clientèle politique avec les Mbacké Mbacké, les investissements de l’Etat n’ont pas manifestement d’aucune lisibilité notoire, aucune visibilité et aucun entraînement économique perceptible encore moins un impact positif. Donc cela laisse croire que les populations de Touba se sont senties infantilisées, marginalisées comme des laissées pour compte qui ne méritent pas d’être incluses dans aucun projet d’étude des perspectives de développement local. D’ailleurs, c’est ce qui justifie les maux dont souffre Touba. Et Touba souffrira encore et dans tous les domaines ! Sur le plan sanitaire, ce sera pire ! Car les populations de Touba n’ont pas accès à des soins de qualité dans des délais raisonnables et en fonction de leur degré d’urgence. Plus grave, les hôpitaux et des postes de santé de proximité sont dépourvus de plateaux techniques capables de prendre en charge certaines pathologies ou maladies graves. Pour preuve, très rares sont des marabouts MbackéMbacké rappelés à Dieu à Touba ou internés à l’hôpital Matlaboul Fawzaini qui manque de tout ! Ce qui justifie que la plupart de mes parents Mbacké-Mbacké malades se soignent à Dakar notamment à l’Hôpital Principal, Maroc ou France. Donc la communication du Magal doit se focaliser sur les difficultés existentielles des populations de Touba qui végètent dans les eaux sans aucune assistance sociale. Parce que les Mbacké Mbacké proches du pouvoir cherchent à maquiller la réalité. Comme chaque événement, ils brossent des tableaux flatteurs et dithyrambiques pour décrire de manière aussi alambiquée une réalité falsifiée de Touba. Mais le quiproquo réside dans le fait qu’ils choisissent (les tenants de communication du pouvoir) dans leur traitement médiatique des angles de promotion personnelle privilégiant leur communication d’influence, tout en occultant ainsi les conditions désastreuses, chaotiques dans lesquelles vivent les populations de Touba. Dommage que la communication du Magal soit une entreprise de falsification des dures réalités des conditions de vie sociale des talibés et populations de Touba. Donc je profite de l’occasion pour inviter et orienter la presse nationale et internationale à faire focus sur la pauvreté, la salubrité et l’anarchie à Touba. J’assume mes propos et suis prêts à en découdre avec n’importe quelle personne soutenant le contraire de cette dure réalité…

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page