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XIAO HAN EGRENE LES PROJETS

La coopération commerciale Chine-Afrique, malgré la turbulence politique et économique mondiale de ces deux dernières années, a connu une forte croissance, selon Xiao Han, ambassadeur de Chine au Sénégal, qui revient dans cet entretien, sur le bilan du dernier Focac tenu à Dakar en 2021, la coopération agricole sino-sénégalaise, entre autres.

Le Sénégal a abrité l’année dernière le Forum sur la coopération sino-africaine. Quel bilan tirez-vous de ce forum ? En termes de retombées, qu’est-ce que le continent africain pourrait-il attendre du prochain Focac ?

Depuis sa création en 2000, le Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) sert de plateforme de dialogue collective et de mécanisme de coopération pragmatique pour la grande famille d’amitié sino-africaine.
Fin novembre 2021, le Sénégal, coprésident africain du Focac, a coorganisé avec la Chine, la 8e Conférence ministérielle du Focac à Dakar. Dans son discours à la cérémonie d’ouverture de la conférence, le Président chinois, Xi Jinping, a avancé les «Quatre propositions» sur la construction d’une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique dans la nouvelle ère et annoncé «Neuf programmes» dans le cadre des coopérations pragmatiques sino-africaines. Le Président Macky Sall a proposé une feuille de route dans la perspective du renforcement des relations Chine-Afrique dans un esprit d’amitié, de solidarité, de confiance et de respect.

Depuis la Conférence de Dakar, la Chine et l’Afrique ont œuvré étroitement pour mettre en œuvre les acquis de la conférence à travers les «Neuf programmes» et faire avancer la coopération sino-africaine tous azimuts et en profondeur. Rien qu’en seulement 8 mois, les premiers résultats obtenus demeurent abondants. Prenons l’exemple de la coopération agricole : des «Corridors verts» des produits agricoles africains ont été bien établis. De multiples produits agricoles africains ont obtenu leur accès à la Chine. L’exemption de droits de douane des produits en provenance des pays les moins avancés africains et exportés vers la Chine a été mise en place et couvre jusqu’à 98% des produits. La Chine a signé l’échange de lettre avec beaucoup de pays africains sur cette exemption, et plus de 350 catégories de produits agricoles et alimentaires africains peuvent désormais entrer dans le marché chinois. Les premiers quatre Centres conjoints sino-africains d’échanges, de démonstration et de formation sur les technologies agricoles modernes ont été établis. Le Forum sur l’importation de produits agricoles africains a été tenu avec succès.

La Chine est la première partenaire économique de l’Afrique pendant 13 années consécutives. Durant ces deux dernières années, la coopération commerciale Chine-Afrique a pu résister aux impacts causés par la turbulence politique et économique mondiale et enregistré une forte croissance. En 2021, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont augmenté de 35,3% par rapport à l’année précédente pour s’élever à 254,3 milliards de dollars américains. Durant la même période, les importations chinoises en provenance d’Afrique ont atteint 105,9 milliards de dollars avec une hausse de 43,7%. Entre le 1er janvier et le 31 juin 2022, les échanges commerciaux entre la Chine et le continent africain ont augmenté de 16.6% pour s’établir à 137,38 milliards de dollars. Et les importations chinoises en provenance d’Afrique ont atteint 60,6 milliards de dollars avec une hausse de 19,1%. L’investissement direct chinois en Afrique et les projets de coopération maintiennent une croissance rapide.
L’année 2022 marque le 20e anniversaire de la création de l’Union africaine, en parallèle, le 20e anniversaire de l’établissement des relations amicales entre la Chine et l’Ua. La Chine, le plus grand pays en développement, et l’Afrique, le continent regroupant le plus grand nombre de pays en développement, accueilleront sûrement de nouvelles opportunités pour la coopération Chine-Afrique. Nous allons continuer à œuvrer pour une meilleure synergie entre l’Initiative «la Ceinture et la Route», l’Initiative du développement mondial et l’Agenda 2063 de l’Ua ainsi que les stratégies de développement des pays africains, et à concrétiser les acquis de la Conférence de Dakar.

La réunion des coordinateurs pour la mise en œuvre des suivis de la Conférence de Dakar se tiendra sous peu en ligne. La partie chinoise est confiante que cette réunion sera une belle opportunité pour renforcer davantage la coordination avec la partie africaine, approfondir la solidarité et la coopération, clarifier l’orientation privilégiée et les projets-clés. Tout cela a pour objectif d’accompagner le continent africain vers la relance économique et le développement durable, d’améliorer sans cesse le bien-être des 2,6 milliards des peuples chinois et africains et d’injecter un nouvel élan à la construction d’un nouveau type de relations internationales et d’une communauté de destin pour l’humanité.

Quelle analyse faites-vous de l’état de la coopération entre la Chine et le Sénégal ?

Durant ces dernières années, le développement du partenariat stratégique global Chine-Sénégal est entré en «fast-track». La confiance politique mutuelle s’est approfondie et la coopération sino-sénégalaise s’est accélérée tous azimuts. Le Président Xi Jinping et son homologue, le Président Macky Sall, se sont rencontrés à de multiples occasions bilatérales comme multilatérales, présentielles comme virtuelles. En 2018, les deux chefs d’Etat ont réalisé des visites réciproques. En juin 2020, la Chine et le Sénégal ont pris l’initiative d’organiser avec l’Afrique du Sud, le Sommet extraordinaire Chine-Afrique sur la solidarité contre le Covid-19. En juin dernier, le Président Sall s’est entretenu à nouveau avec le Président Xi lors du Dialogue de haut niveau sur le développement mondial dans le cadre du «Brics». Il y a peu de temps, le Président Xi a exprimé dans une lettre à son homologue sénégalais, le soutien ferme de la Chine sur l’adhésion de l’Ua au G20. Ceci a démontré encore une fois la grande importance accordée par la partie chinoise vis-à-vis des préoccupations majeures africaines et le soutien indéfectible chinois aux efforts africains visant à augmenter son influence internationale.
Comme on a bien constaté, la Chine a entrepris de nombreux projets de coopération et d’assistance, et investi activement dans les domaines comme les infrastructures, l’agriculture, la transformation alimentaire, l’industrie, l’information et la communication, l’économie numérique, l’énergie renouvelable, etc., au Sénégal. Aujourd’hui, la Chine est devenue la 1ère partenaire financière bilatérale, la 1ère partenaire commerciale du Sénégal et le 1er marché d’exportation des produits agricoles sénégalais. En 2021, la coopération économique et commerciale Chine-Sénégal a connu une forte croissance, avec une valeur record des échanges commerciaux de 3,793 milliards dollars, soit une hausse de 31,75% en glissement annuel. Entre le 1er janvier et le 31 juin 2022, cette dynamique de croissance se consolide : les échanges commerciaux sino-sénégalais s’élèvent à 2,1265 milliards dollars, et une série de projets d’infrastructures sont achevés ou entamés dont le Pont de Foundiougne, le Pont de Rosso, l’Autoroute Mbour-Kaolack, la Maison des Nations unies Diamniadio et la Rénovation du Stade Léopold Sédar Senghor.

Les échanges humains entre les deux pays sont de plus en plus étroits et constituent un lien affectif essentiel pour la compréhension mutuelle et une fraternité inusable. La Chine est le pays d’honneur du 14e Biennale d’art africain contemporain de Dakar en mai dernier. C’est la première fois qu’un pays hors Afrique est choisi comme le pays d’honneur du Dak’art. L’Institut Confucius et les évènements culturels comme «le Pont vers le chinois» et «la Fête du Printemps» sont des fenêtres de la culture chinoise pour les jeunes Sénégalais. Depuis ces dernières années, le gouvernement chinois a offert des milliers de bourses d’études en Chine aux étudiants sénégalais, et formé près de 3000 talents sénégalais dans divers domaines à travers des ateliers en Chine ou en ligne.

Face à la pandémie, la Chine et le Sénégal se prêtent sympathie et soutien mutuels pour lutter ensemble contre le virus. Jusqu’à présent, la Chine est le premier pays et le plus grand contributeur des vaccins pour le Sénégal. Depuis 1975, la Chine a dépêché successivement 19 missions d’assistance médicale au Sénégal. Ces médecins chinois s’installent au Centre hospitalier de Pikine et à l’Hôpital Mère-enfant de Diamniadio, travaillent côte-à-côte avec leurs confrères sénégalais pour soigner les patients et amènent les soins médicaux aux populations vulnérables des zones rurales.
A l’heure actuelle, le Sénégal, de toutes les couches sociales, a une forte volonté et attente de développer la coopération avec la Chine. Pour les prochaines étapes, la Chine et le Sénégal entendent renforcer davantage la mise en synergie de la planification stratégique, intégrant l’initiative «la Ceinture et la Route» et les actions de suivi du Focac avec le Plan Sénégal émergent (Pse), en particulier le Pap2a, de manière à accompagner le Peuple sénégalais à construire un pays émergent en 2035.

Quel est le niveau d’implication et d’intervention des entreprises chinoises dans la réalisation des grandes infrastructures au Sénégal ?

L’infrastructure joue un rôle essentiel pour réaliser le développement durable du pays et améliorer le bien-être du Peuple. Mais celle-ci est un challenge auquel les pays africains font face depuis longtemps. Etant le premier pays en Afrique de l’Ouest à signer l’accord de coopération «la Ceinture et la Route», le Sénégal est un partenaire privilégié de la Chine. Les deux pays ont réalisé ensemble un bon nombre de projets-clés d’infrastructures, promouvant largement l’essor économique et social du Sénégal. S’agissant des grands projets, on cite entre autres les autoroutes Ila-Touba, Thiès-Mbour et Mbour-Kaolack servant de grandes artères entre l’intérieur et le littoral du pays ; le Pont de Foundiougne qui enjambe le fleuve Saloum en reliant le Nord et le Sud ; le Parc industriel de Diamniadio, projet phare du Pse, pour attirer les investissements étrangers. Tous ces projets susmentionnés sont financés et construits par la Chine. Le barrage d’Affiniam, don de la Chine construit dans les années 1980, est le principal ouvrage hydro-agricole dans la région de Ziguinchor. Les entreprises chinoises ont exécuté aussi des projets d’infrastructures numériques comme le Projet national de large bande et le Programme Smart Sénégal, et ont construit le Data center national. Ces projets ont favorisé le développement de l’économie numérique et renforcé la souveraineté numérique du Sénégal.

Les projets d’infrastructures Chine-Sénégal ont également beaucoup contribué au bien-être du Peuple sénégalais. Projets d’aide de la Chine, le Grand Théâtre national, le Musée de la civilisation noire et l’Arène de lutte nationale sont devenus des points de repère à Dakar. Actuellement, le Projet d’assistance de réhabilitation de quatre stades et le Projet d’assistance d’entretien des huit stades régionaux sont en cours d’exécution. Ils contribueront à améliorer et à moderniser l’infrastructure sportive sénégalaise et à jeter une base pour les Joj 2026 au Sénégal. Un autre projet d’aide de la Chine, l’Hôpital pour enfants de Diamniadio, est devenu le meilleur hôpital spécialisé du Sénégal. En outre, la Chine a mis en œuvre le Projet d’accès au satellite pour 10 000 villages africains, installant des systèmes de réception de télévision par satellite dans plus de 600 villages sénégalais. Et le Forage multi-villages de la Chine a donné accès à l’eau portable à environ 300 villages dans les vastes zones rurales sénégalaises.

En parallèle de la coopération bilatérale, la partie chinoise s’active à explorer de nouveaux modèles de coopération avec des partenaires internationaux au Sénégal. Au titre d’exemple, la Chine participera au financement du Projet de dépollution de la Baie de Hann pour le bien-être de la population et la protection de l’environnement.

A quoi pourrait-on s’attendre de la part de la Chine pour la prochaine campagne de commercialisation de l’arachide sénégalaise ?

La Chine et le Sénégal ont signé en septembre 2014, un protocole en faveur de l’exportation des arachides sénégalaises vers la Chine. Depuis, la Chine est devenue le plus grand marché pour les produits agricoles sénégalais. Ceci a fortement contribué à la création d’emplois, à la croissance du revenu national et des exportations, à l’amélioration des infrastructures agricoles, et surtout à l’amélioration des conditions de vie de la grande population rurale.

En fait, la Chine est, elle-même, une grande productrice et exportatrice d’arachide dans le monde. Se classant au premier rang mondial, la production annuelle d’arachide chinoise dépasse plus de 17 millions de tonnes et son exportation annuelle atteint 800 000 tonnes. La quantité d’arachide exportée de l’Afrique vers la Chine ne représente que moins de 3% de la consommation totale de la Chine. Dans cette optique, l’importation de produits agricoles africains par la Chine est d’une part, une coopération bilatérale mutuellement bénéfique, et d’autre part, une politique préférentielle de la Chine visant à aider les produits africains à élargir le marché au bénéfice des frères et sœurs africains.

La coopération agricole sino-sénégalaise ne se limite pas à la commercialisation de l’arachide, mais s’étend aussi à d’autres domaines tels que les travaux hydrauliques, l’irrigation, les forages, les machines agricoles, entre autres. Récem-ment, la Chine a pris les mesures suivantes :
Premièrement, organiser le Forum sur l’importation de produits agricoles africains. Le Sénégal était le pays d’honneur pour présenter et promouvoir ses produits agricoles de haute qualité.

Deuxièmement, finaliser les procédures d’accès aux tourteaux d’arachides sénégalaises à exporter vers la Chine. La Chine et le Sénégal signeront dans les prochains jours, le Protocole sur les exigences sanitaires et phytosanitaires pour le tourteau d’arachide sénégalaise exporté vers la Chine. A l’avenir, les tourteaux d’arachides sénégalaises certifiées par les deux parties pourront être exportés vers la Chine.

Troisièmement, élargir davantage les catégories des produits bénéficiant de l’exemption de droits de douane en faveur des pays les moins avancés. La Chine a décidé d’exonérer les droits de douane sur 98% des marchandises (8930 types) en provenance des pays les moins avancés, y compris le tourteau d’arachide et l’huile d’arachide.

Quatrièmement, promouvoir la coopération d’arachide sino-sénégalaise vers l’ensemble de la chaîne de valeur arachidière. Les deux parties renforceront davantage leur coopération dans la bonification des semences et la formation du personnel. La partie chinoise continuera à encourager et soutenir les entreprises chinoises à accroître leurs investissements au Sénégal dans la commercialisation des machines agricoles et le service après-vente, le traitement de l’huile, etc., afin de promouvoir la qualité et l’efficacité de la coopération d’arachide entre les deux pays, d’apporter plus de bénéfices au Peuple sénégalais et notamment d’accompagner le Sénégal pour relever les défis comme le chômage des jeunes et l’exode rural.

La dernière visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, à Taïwan, a provoqué une crise entre vos deux pays. Quel est votre avis là-dessus ?

En premier lieu, il nous faut maîtriser une connaissance fondamentale et primordiale, c’est qu’il n’existe qu’une seule Chine dans le monde, que Taïwan fait partie intégrante du territoire chinois et que le gouvernement de la République populaire de Chine est l’unique gouvernement légal représentant toute la Chine. Ceci, étant le contenu essentiel du Principe d’une seule Chine, est un consensus universel de la Communauté internationale et une norme fondamentale régissant les relations internationales confirmées par la résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations unies en 1971, et en outre, un engagement pris par les Etats-Unis dans les trois communiqués conjoints sino-américains. Il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus.

Récemment Mme Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américaine, numéro trois au sein du gouvernement américain, au mépris des avertissements et représentations à maintes fois de la Chine, a insisté à effectuer une visite à Taïwan, envoyant un signal totalement erroné aux forces sécessionnistes visant l’«indépendance de Taïwan». Cette visite provocatrice a porté atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine, violé le Principe d’une seule Chine et les dispositions dans les trois communiqués conjoints sino-américains, impacté la paix et la stabilité à travers le détroit de Taïwan, et suscité l’inquiétude du monde entier. Le monde d’aujourd’hui est déjà très mouvementé avec les défis et crises de différents types. Ce qui est impératif pour nous tous, c’est la solidarité, le respect et la coopération, et ne doit être en aucun cas la confrontation et l’antagonisme.

Nous nous réjouissons de constater que jusqu’ici, plus de 170 pays et de nombreuses organisations internationales ont réaffirmé leur engagement au Principe d’une seule Chine et exprimant leur soutien à la Chine dans la défense de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Le président de l’Assemblée générale et le Secrétaire général de l’Onu ont laissé entendre tous que l’Onu continuerait d’adhérer à la résolution 2758 de l’Agnu. Le principe, c’est le principe. Tout principe, en tant que tel, ne saurait être mal interprété ou ignoré, encore moins vidé de sa substance ou altéré. La partie chinoise apprécie hautement le Sénégal ainsi que d’autres pays africains qui s’en tiennent avec détermination au Principe d’une seule Chine. La Chine est disposée à œuvrer avec tous les pays épris de paix et de justice à défendre le principe de souverainté nationale et d’intégrité territoriale, à préserver le système internaiontal centré sur l’Onu et l’ordre international basé sur le Droit international, et à construire un nouveau type de relations internationales basé sur le respect mutuel, l’équité, la justice et la coopération gagnant-gagnant ainsi qu’une communauté de destin pour l’humanité.

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