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BAMBOUNG VISE L’AUTOFINANCEMENT

Les Iles du Saloum, du fait de sa mangrove, attire un nombre important de touristes. Même des Sénégalais commencent à faire de cette partie du Sénégal, un lieu de visite. Le conservateur de l’Aire marine protégée (AMP) de Bamboung, commandant Lamine Kanté, compte profiter de cette activité touristique pour avoir des profits qui garantiront une gestion autonome de l’AMP.

L ’Aire marine protégée (AMP) de Bamboung, dans les îles du Saloum, est un havre de paix niché en plein Sine. A Toubacouta, une des destinations touristiques privilégiées dans cette partie du Sénégal, le réveil donne échos du climat et de la forte biodiversité. Le brouillard matinal crée une sorte de liaison entre l’espace et la terre. Il ne fait pas chaud en cette période l’année, le temps est clément. Le soir, c’est beau de voir les oiseaux, avec leurs cohortes interrompues, rejoindre leurs dortoirs. La balade à bord des pirogues est relaxante.

Prenant départ à partir d’un ponton d’un hôtel de la place, l’on arrive au premier site 30 min plus tard  : Diorome Bu Makk, une habitation du passé qui a laissé des traces de son histoire. Selon les populations autochtones, ils sont des Mandingues ou Sérères qui vivaient de l’exploitation du coquillage, pour la voix beaucoup plus autorisé, «il fût anciennement occupé par des Africains fuyants la sécheresse. Le climat du Delta du Saloum offrant d’autres activités différentes de l’agriculture, ils se reconvertissent dans l’exploitation du coquillage», explique le colonel Mamadou Sidibé, directeur des Aires marines protégées (DAMP). Seulement, de cette communauté, il ne reste aucune descendance connue pouvant attester cette présence sur le site.

Une autre de version de l’histoire racontée, c’est aussi que les occupants de cette partie du Delta du fleuve Saloum, se déplaçaient beaucoup, fuyant la traite négrière. «Le lieu étant une zone de regroupement d’esclaves», rapporte-t-on. Et la preuve de cette présence humaine, c’est ce grand baobab qui fût le tombeau des griots qui, selon certaines croyances traditionnels, «sont indignes de partager les tombeaux avec l’autre partie de la population». Témoin de cette histoire qu’il ne peut point raconter, ce baobab comporte un large creux (au niveau du tronc de l’arbre) qui aiguise la curiosité. Un pan de l’histoire de Diorome Bu Makk, c’est également la présence confirmée de 128 tombeaux.  «On a trouvé des personnes enterrées avec toute leur richesse, mais aussi de la poterie. La découverte est à l’Institut fondamentale d’Afrique noire (IFAN)», annonce le conservateur de l’Aire marine protégée du Bamboung, commandant Lamine Kanté.

L’objectif de l’équipe de conservation est de faire de cette attraction (amas coquilliers), une aire de repos, avec un musée où toute la découverte actuellement conservée à l’IFAN pourrait être visitée. Diorome Bu Makk est un site plein d’histoire. «L’amas coquilliers à une hauteur de 12 m et 400 mètres de diamètres» ; ceci reflète, selon le commandant Kanté, les nombreuses années d’occupation des lieux.

UNE SURVEILLANCE, AU PERIL DE LA VIE

Le mirador ou la zone de surveillance, se trouve à 15 km de Toubacouta. Il permet d’avoir une vue sur l’AMP. Les «boulongs» (rivière et bras de fleuve) de Bamboung, qui est le cœur de l’AMP, s’y trouvent. Les boulongs sont la zone fluviale de l’aire marine et occupent une superficie de 350 ha. L’aire marine étant une zone de reproduction de poisson, de ce fait, la pêche y est interdite. Les activités qui y sont possibles sont régulées et se tiennent à des périodes bien déterminées. La surveillance est assurée par des agents du ministère de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, en plus des éco-gardes originaires des villages environnants. Ils assurent leur mission, à tout prix, et malgré les conditions de travail difficiles et précaires.

Koutouba Basse est un des éco-gardes originaires de la contrée. La corruption et d’autres difficultés il en a rencontrées. Il se rappelle de la vielle du combat Yekini/Balla, quand un visiteur inconnu de la zone, a manifesté le souhait d’introduire quelque chose dans l’eau, alors que l’accès est interdite. Son souvenir, c’est également sa garde à vue, suite à l’arraisonnement d’une pirogue dont le propriétaire avait fini par l’accuser de meurtre, en guise de représailles. Malgré toutes ces difficultés, il a fait 12 ans dans ce métier, sans être officiellement reconnu. Il ne gagnait que des pécules et sans contrat. Ce n’est qu’en août dernier qu’il a été recruté. Son statut de civil, fait qu’il n’est pas souvent respecté par la population

De 12 au départ, ils ne sont plus que 6 éco-gardes à officier sur place. Certains sont partis en Europe, d’autres ont déserté l’activité. Ils travaillent actuellement en binôme, pour assurer la surveillance de la vaste étendue que constitue l’AMP. En effet, cette Aire marine protégée s’étale sur 7000 ha dont les 3000 constituent la mangrove. L’eau occupe 80% de la superficie. Dans le Delta du fleuve Saloum, il y a 128 amas de coquillage qui ne sont plus occupés.

UN CAMPEMENT EN PLEINE FORET, POUR ACCUEILLIR LES TOURISTES

Le campement, situé à quelques encablures du village de Sipo, est une zone d’accueil. Il n’y a pas beaucoup de constructions en dur. Le bois et la paille étaient des moyens de constructions privilégiés. Cependant, le conservateur de l’AMP dit faire dans le changement, afin d’éviter les menaces environnementales et de mieux rationaliser les dépenses. Des constructions en dur sont prévues

Le campement communautaire ou encore «Keur Bamboung» est essentiellement géré par les communautés. Il a 9 cases, avec une capacité d’accueil de 40 personnes. «Il a été conçu pour appuyer la gestion de l’AMP. Les revenus tirés de ce campement permettent de payer le personnel, qui est de 25 personnes», indique le conservateur Lamine Kanté. Une partie des revenus sert à appuyer la surveillance de L’AMP et les frais de subsistance au niveau du mirador. Les activités qui y sont possibles sont une immersion dans la mangrove. En marée basse, il est possible de circuler et voir comment sont faits les palétuviers. Le campement a aussi un circuit d’environ 7 km où le touriste peut faire une promenade et voir la composition de l’écosystème et des espaces qui s’y trouvent. On y fait aussi du sport notamment la pratique de canoé-kayak.

A travers ces services offerts, les gestionnaires veulent avoir les ressources nécessaires pour mener leurs activités. «Notre objectif est d’aller à l’autofinancement de l’AMP. C’est pourquoi, on a entrepris la réhabilitation de la mangrove parce qu’auparavant les cases étaient faites avec le matériel local et une bonne partie des recettes étaient investies chaque année dans la réhabilitation. Dans nos projets, on va toujours utiliser le matériel local, mais on va faire ça de façon plus dure  ; comme ça, les cases pourront résister 3 à 5 ans. En plus de ça, on a entrepris la mise en place d’activités génératrices de revenus durables», soutient commandant Lamine Kanté.

Dans les 13 villages environnant l’Amp, il est aussi prévu des activités, avec l’implication des populations qui sont des partenaires dans la conservation. «Nos projets, c’est d’initier des activités à travers la mise en place d’une politique d’énergie, le développement du maraichage, de l’apiculture, de l’aquaculture pour que, au moins, on puisse prendre une partie et la réinvestir dans la gestion de l’AMP. Pour l’instant, on ne peut pas affirmer qu’on est entrée dans l’autofinancement ; mais, c’est notre objectif», affirme Lamine Kanté, relevant que l’AMP tirait profit de sa gestion, mais la Covid-19 a ralenti les activités

SIPO, LES QUERELLES DE SUCCESSION DIVISE LA FAMILLE DE FATOU MANE

Sipo est le premier village, parmi la treizaine qui ceinture l’AMP. Le village est situé à 1,7 km du campement «Keur Bamboung». Il doit sa particularité à Fatou Mané, une reine qui y vivait. Fatou Mané est décédée à 107 ans pour certains et 109 pour d’autres. Issa Sané, son fils, raconte que sa mère a acquis sa royauté de manière fortuite. Fatou Mané, dont la visite était un passage obligé pour les visiteurs à Toubacouta, avait une réputation d’avoir des connaissances mystiques. Elle n’est plus là (décédée le 12 avril 2021), sa famille est actuellement divisée, à cause de sa succession

Issa Sané, née à Sipo en 1954 et fils de la défunte reine, assure déjà la «succession». Alors qu’il n’est pas encore officiellement installé, à cause d’une divergence familiale, il fait office de «roi» de la communauté. Les réticences ne sont pas fondées, à son avis, car il a la capacité de prendre le relais. L’héritier de la reine de Sipo devrait maitriser les connaissances occultes et être capable d’interpréter la nature. Issa Sané dit en être capable, au point de pouvoir déchiffrer les différents cris (hurlement, ricanement) d’une hyène. Toutefois, au sein de sa famille, il ne fait pas l’unanimité. Ses sœurs ainées qui souhaitent aussi prendre la place de leur mère, disent être beaucoup plus initiées que leur petit-frère. Issa Sané, par contre, estime avoir acquis de son père un savoir mystique supplémentaire ; suffisant donc, pour lui, pour être le garant du legs de sa mère.

C’est en 2002 qu’une délibération du Conseil rural de Toubacouta a fait du site une réserve naturelle communautaire. En 2004, elle est devenue Aire marine protégée (AMP), parmi les cinq (5) qui ont été mis en place par le decret n°2004-1408 portant création de 5 AMP. Bamboung est érigée en AMP grâce la richesse de son peuplement de poissons, au nombre de 78. Il y a aussi l’abondance de l’Epinephelus aeneus, une espèce de mérou emblématique au Sénégal. La forte pression de la pêche justifie aussi le choix de faire cette réserve naturelle une Aire marine protégée. Sa mangrove, relativement bien conservée, est riche en avifaune. La réserve a aussi une valeur esthétique qui attire

La richesse de l’AMP de Bamboung, c’est également une vingtaine d’amas coquilliers, 154 espèces végétales, 9 grands types d’habitats et de formation végétale. 220 espèces d’oiseaux y sont dénombrées, 16 espèces de reptiles. Parmi la population, on dénombre également 3 espèces d’amphibiens.

LE MANQUE DE MOYENS ET DE FORMATION DU PERSONNEL, DES ECUEILS A LA CONSERVATION

Le manque de formation des agents communautaires en service dans la réserve impacte sur la gestion de l’AMP, en plus du règlement intérieur dépassé par les enjeux. «En premier, on a la formation parce que pour bien gérer un campement, il faut une formation sur la gestion du matériel, l’accueil et la restauration. L’autre difficulté, c’est le règlement intérieur. On doit l’actualiser. Le règlement intérieur date de 2004. Avant cette date, il n’y avait pas l’exploitation du pétrole. Aussi, il n’y avait pas le besoin des communautés de bénéficier des coquillages. Il y a des données nouvelles, comme on est dans un processus de gestion dynamique, c’est mieux d’actualiser en prenant en compte ces spécificités», constate Lamine Kanté

Le travail de conservation est aussi plombé par un manque de moyens. «Pour la surveillance, on doit avoir des pirogues très rapides et légères. Certes, on a une dotation d’une pirogue, mais l’objectif est d’avoir deux (2) postes de gardes dans l’AMP. L’objectif est donc d’avoir au moins deux (2) pirogues supplémentaires, avec des moteurs, pour pouvoir mettre en place ce dispositif de surveillance», ajoute le conservateur. Les superviseurs locaux ont des emplois précaires. «Avec la pandémie, on a constaté que le personnel du campement avait des emplois très précaires. On n’avait pas cette vision d’anticiper. On doit trouver des activités alternatives pour le personnel pour que, en cas de catastrophe, ils puissent avoir des activités génératrices de revenus», déplore-t-il.

Néanoins, le conservateur Lamine Kanté signale que l’AMP s’est bonifiée ces derniers temps. «Avec le programme «Xëyu ndaw ñi» (un Programme d’urgence pour l’Emploi et l’Insertion des Jeunes, ndlr) on a 9 surveillants communautaires qui sont rémunérés, avec toujours l’objectif d’aller à l’autonomisation ; on a 23 nouveaux surveillants communautaires qui n’ont pas encore de statut ou une rémunération adéquate. On a commencé ça avec les surveillants. Avec la pandémie, on a 6 surveillants avec lesquels on a initié un projet d’aviculture locale pour que, lorsqu’ils ne travaillent pas, ils puissent avoir des activités complémentaires. Le personnel de l’AMP est composé de 9 éléments, hormis les civils», rappelle le commandant Kanté. La prédation foncière qui est constatée dans les autres AMP n’est pas très grande à Bamboung, mise à part la localité de Palemerin.

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