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DÉPENSE PUBLIQUE DE QUALITÉ ET ENDETTEMENT EXTÉRIEUR

Dans un contexte mondial où l’Etat joue un rôle important de régulation et d’impulsion de l’économie, et doit s’endetter pour ce faire, la crise de la dette publique s’est quasi généralisée. Le budget est l’instrument par lequel l’Etat met à la disposition de ses démembrements les moyens nécessaires à la mise en œuvre de sa politique économique et sociale.

L’endettement a pour objet de permettre la couverture des dépenses identifiées par des ressources extérieures, autres que celle propres à l’Etat. Le recours excessif à l’endettement non seulement met à mal l’indépendance financière de l’Etat mais encore vient alourdir les dépenses publiques via les charges financières induites. Lorsque les échéances de remboursement sont supérieures à la capacité de remboursement, on en arrive à des programmes de restructuration de dettes ou d’abandon pur et simple de la part des créanciers.

Au regard du risque de non remboursement encouru et de dégradation de la « signature » de l’Etat débiteur, les prises de décision en matière de dépenses publiques doivent être effectuées avec beaucoup d’attention. Dans la panoplie des dépenses publiques, celle que nous pensons adéquate pour illustrer notre propos sur la nécessité d’effectuer des dépenses publiques de qualité est celle afférant aux inondations.

Il s’agit d’une série de dépenses publiques programmées et exécutées sur 10 ans dont les effets sur les populations sont dévastateurs. Les années se suivent et se ressemblent. Les mêmes images de désolation et de détresse des populations reviennent tel un cycle sans fin.

Rappelons que le Plan Décennal (2012- 2022) de Lutte contre les Inondations (PDLI) a été adopté le mercredi 18 septembre 2012 pour un budget global estimé à 766 milliards FCFA. Son exécution est prévue en trois phases, soient une phase d’urgence de 66 milliards de FCFA, une autre phase à court terme de 450 milliards de FCFA et enfin une phase long terme de 250 milliards de FCFA.

Hélas, au bout de ce plan décennal, les inondations se manifestent encore, d’où l’interpellation légitime des citoyens sénégalais à l’endroit de leurs autorités : « mais où est donc passé… l’argent ? »

D’aucuns invoquent la météo mondiale pour expliquer que les ouvrages, bien que réalisés, ne sont pas en rapport avec l’ampleur du phénomène, d’autres demandent des comptes aux responsables compte tenu de l’inadéquation, selon eux, de la réponse gouvernementale pour mettre définitivement fin au problème.

Dans cette chronique, la question n’est pas de savoir si on est ou non en face de travaux dont la récurrence finit par renvoyer à la métaphore du rocher de Sisyphe de la mythologie grecque, mais plutôt celle de la gestion, sous l’angle du contrôle de la conception et de la bonne exécution des dépenses publiques.

Selon la Banque mondiale, la valeur des titres émis par les nations africaines et souscrits par les investisseurs institutionnels privés européens et américains (banques, fonds de pension, négociants en ressources primaires) avoisinerait 696 milliards de dollars, soit 35 % de la dette extérieure du continent, et les taux d’intérêt pratiqués exigés par ces souscripteurs seraient de l’ordre de 5 %.

Cela revient à dire que l’endettement multilatéral concessionnel s’efface devant un endettement privé plus onéreux et moins tolérant par rapport aux incidents de remboursement.

Dans ce contexte, opter systématiquement pour l’endettement, sous le prétexte que le Sénégal aurait une « bonne signature » sur les marchés financiers, sans pour autant s’appesantir sur la qualité de la dépense, en particulier sa capacité à générer un retour apte à faire face aux échéances d’emprunt, ne ferait que creuser un endettement déjà lourd.

C’est le lieu de s’interroger sur la satisfaction affichée par les autorités en charge de l’endettement lorsqu’elles informent de la levée de fonds sur le marché financier. Ce pendant que le président de la République demande l’annulation de la même dette dans les fora réunissant les bailleurs privés et multilatéraux. A terme, il faudra bien en arriver à l’équilibre budgétaire avec un endettement d’appoint.

Pour cela, la problématique est d’optimiser les dépenses publiques pour les rendre davantage efficaces et efficientes. Le « trop d’impôts » consistant à toujours collecter davantage de recettes fiscales étant contreproductif, l’option qui s’offre est la gestion efficiente et efficace des ressources publiques disponibles pour couvrir des dépenses efficientes.

Le bon gestionnaire de la dépense publique est par conséquent celui qui arrive à maximiser l’effet de ses recettes par un minimum de dépenses. Dans le droit fil de cette idée, Pierre Bérégovoy autodidacte, ouvrier fraiseur puis cadre à la SNCF, fut considéré comme l’un des meilleurs ministres de l’Économie, des Finances et du Budget de France, au regard de l’attention qu’il portait à la qualité des dépenses budgétaires afin de préserver la bonne santé des finances publiques de la France.

127.130 agents pour une masse salariale de 952 milliards de francs !

En matière de dépenses, l’un des postes les plus importants du budget du Sénégal est celui relatif aux ressources humaines de la fonction publique qui englobe toutes les autres dépenses connexes.

Un audit de la Fonction publique avait été commandité en novembre 2012 par le ministre de la Fonction publique, du Travail et des Relations avec les Institutions à l’effet de savoir ‘’réellement’’ le nombre de fonctionnaires sénégalais.

Ses conclusions avaient permis de faire ressortir 23 000 cas de contentieux sur un effectif de 91000 fonctionnaires. Ces cas concernent soit des agents qui n’occupaient plus leur poste, soit des décès ou des arrêts maladie non justifiés. A l’époque, la masse salariale globale s’élevait à 447 milliards de Fcfa.

En fin 2022, au terme de cette année en cours donc, la masse salariale est prévue pour atteindre 952 milliards Fcfa, soit un quasi doublement en 10 ans pour un effectif de 127.130 agents !

Un nouvel audit complet des effectifs et de la masse salariale de la fonction publique doit être effectué en vue de leur restructuration.

Cet audit devrait être conduit sur l’adéquation profil/poste de travail, et la mise en perspective de la digitalisation du travail, mais également sous le rapport charge de travail et rémunération.

Il faudrait revoir les organigrammes pour supprimer des niveaux de hiérarchie générateurs de primes et d’autres avantages pesant lourd sur la masse salariale.

Encourager aussi les départs négociés pour les postes où la technologie numérique pourrait être mise à profit, pour les agents d’âge avancé, et pour les candidats volontaires. L’effectif rénové devrait être rémunéré de façon à le motiver davantage.

Les sous-secteurs à prioriser en termes d’efficience, au regard de leur importance pour le développement du pays, seraient l’éducation et la santé.

Cet audit devrait, à notre sens, déboucher sur de profondes réformes pour aligner le Sénégal sur les standards mondiaux en termes de gestion des ressources humaines publiques.

En définitive, nous estimons que le budget de la nation doit être élaboré en tenant compte de la nécessité d’observer un équilibre interne. Faute d’ajustement par un surcroît de recettes publiques, une action doit être engagée pour veiller à la qualité de la dépense publique.

L’endettement externe doit être considéré comme un appoint et non comme une ressource permanente. Il doit permettre de faire face à des dépenses d’investissement permettant un retour sur capital investi pour en faciliter le remboursement. Les populations concernées par les inondations auraient été sollicitées pour payer le service d’un environnement assaini qu’elles auraient certainement accepté.

Le contrôle annuel de l’exécution du budget par l’Assemblée nationale via la loi de règlement doit être respecté. Il permet aux élus d’être informés et de pouvoir approuver en toute connaissance les différences entre les réalisations et les prévisions budgétaires, et de constater les résultats. La loi de règlement doit être élaborée six mois après la clôture de l’année civile.

Or, sauf erreur de notre part, la dernière loi de règlement adoptée par l’institution parlementaire de notre pays est celle de la gestion budgétaire 2017 présentée par le ministère de l’Economie et des Finances le 25 janvier 2019.

Ceci pour dire que le contrôle de l’exécutif par le législatif en matière budgétaire manque d’efficience.

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