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DEVOIR DE CONSCIENCE

Lorsque la paranoïa d’un peuple, entretenue par une certaine presse, finit par l’emporter sur la science et le Droit, l’épilogue sera ici la destruction d’un corps d’élite, le corps médical de tout un pays.

La perte d’un patient est toujours un coup dur pour tout médecin, quelles qu’en soient les raisons. Je me souviens d’un après-midi, jeune médecin de garde au centre de santé Nabil Choucair, j’ai appelé ma mère au téléphone, tout abattu. Le temps de lui dire que j’avais accroché ma blouse, la honte m’envahit et je me suis ressaisi. Je venais d’enregistrer un quatrième décès en quelques heures dont un bébé, en détresse respiratoire sévère, que je n’ai même pas eu le temps de réanimer. J’étais là face à la douleur d’un père incontrôlable suite à l’atroce nouvelle que je venais de lui annoncer.

Précisons que l’erreur ou la faute médicale sont possibles. L’erreur est humaine et le médecin n’échappe pas à la règle. Elle peut porter sur une mauvaise appréciation du diagnostic, des soins ou des délais de mise en œuvre des actes. Il peut arriver également que le médecin fasse une faute qui engage sa responsabilité en cas de non-respect des règles de l’art dans son contexte de pratique. L’absence de réussite ne peut être reprochée à un médecin même si le résultat est le décès de son patient. La faute ne peut être liée qu’à un comportement qui s’écarte des règles et non conforme aux données acquises par la science. La question dans un tel contexte, que tout bon magistrat demanderait à des experts avant toute action, est la suivante : «Qu’aurait fait, à sa place, dans les mêmes circonstances, un autre praticien consciencieux et averti ?»

En règle générale, un médecin, dans l’exercice de sa profession, n’est animé que d’une intention, celle d’apporter du bien à son patient, quitte au-delà de sa science, de mettre à contribution ses moyens, d’engager ses relations pour une meilleure prise en charge.

Si à chaque décès de patient sur la table d’un bloc opératoire ou d’accouchement etc., on en venait à arrêter le médecin parce qu’une information émouvante et profane est parvenue au procureur, d’ici quelques années, il n’y aurait plus de médecin dans ce pays.

Nos brillants élèves finiraient par choisir des corps de métiers mieux «respectés». Jusque-là, c’est parmi nos bacheliers les plus brillants que sont sélectionnés nos futurs médecins. Quel que soit le corps d’élite choisi dans ce pays, anciens élèves, s’ils n’étaient pas moins brillants, ils ne l’étaient pas plus que leurs camarades qui ont choisi des études de médecine. Donc le devoir de respect s’impose.

L’accusation «d’incompétence», formulée par un procureur sénégalais sur la base d’actes médicaux posés par un gynécologue sénégalais qui a quasiment fait deux fois plus d’études universitaires sérieuses que lui, relève d’une démarche subjective et sarcastique qui témoigne d’une certaine carence. La Justice a le droit et le devoir d’enquêter devant certaines circonstances afin que la vérité éclate. Mais elle devient paranoïaque et s’affale lorsqu’elle subit la rumeur et l’émoi pour arrêter des médecins dans le cadre de leur exercice avant toute enquête.

Enfin, nos politiques, quel que soit le dessein des uns et des autres, n’ont pas le droit au silence et non plus de participer au discrédit du corps médical, fût-ce pour charmer des populations désorientées victimes de fausses informations et animées de préjugés car «gonflées à bloc».

Aujourd’hui, sur la sellette, les médecins et encore les magistrats qui subissent l’acharnement des politiciens. A qui le tour ?

Un peu de retenue pour plus de science et de Droit !

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