Il est souvent au téléphone, communique à travers des gestes avec le président Amadou Mame Diop, écoute ses collègues députés de Benno et reçoit des remerciements de ses camarades de parti. Farba Ngom a beaucoup changé entre les deux législatures, la XIIIème et la XIVème. Grand absentéiste avant septembre 2022, il est devenu assidu, se met devant et prend la parole lors de chaque plénière comme pour contrôler ses collègues du même groupe et répondre aux assauts répétés de YAW et Wallu.
Lors des deux dernières législatures, le député de Benno Bokk Yakaar, Farba Ngom, un des plus grands défenseurs du président de la République, Macky Sall, se mettait sur la dernière rangée. Une place qui lui permettait de sortir de la salle sur la pointe des pieds et dès que l’envie lui en prenait. Le député maire de Agnam, dans le département de Matam, venait rarement assister aux plénières et autres votes de projets de loi. Les rares fois où il venait à l’Assemblée nationale, c’était pour répondre à un député qui l’a cité lors d’une intervention. Ce fut le cas, il y a quelques années, avec un autre célèbre député devenu anonyme, Moustapha Cissé Lô. Ce jour-là, Cissé Lô avait prononcé le nom de Farba Ngom et le « griot du président de la République », sans doute informé par d’autres députés ou des proches, avait rallié dare-dare la place Soweto uniquement pour répondre à son collègue. Après son intervention-réplique, il était sorti de la salle pour aller vaquer à ses innombrables occupations.
Avec cette nouvelle législature débutée il y a deux mois, le nouveau Farba Ngom est arrivé. D’abord, il a quitté la dernière rangée pour s’assoir devant, à la première place, en face du pupitre. De ce siège stratégique, il voit tout et non seulement il a en face de lui les ministres mais aussi le président de l’Assemblée nationale, Dr Amadou Mame Diop. Celui qui dit pouvoir nommer et défaire des ministres et directeurs généraux de sociétés nationales ne s’absente plus.
Mieux, il prend la parole lors de chaque passage d’un ministre pour défendre son budget. Le griot qui aime toujours montrer sa puissance et son importance au sein du régime actuel est devenu très écouté depuis l’installation de la 14ème législature. Avant, l’homme ne bougeait pas de son siège quelle que soit la situation, même lorsqu’il y avait des attroupements et autres bagarres. Depuis le début des plénières de cette présente session budgétaire, même s’il lui arrive de venir en retard, il ne rate aucune séance.
Face aux attaques répétées des députés de l’opposition, le maire des Agnan ne veut plus laisser ses autres collègues répondre seuls aux élus de Yewwi, surtout, mais aussi de Wallu. Il y a un peu plus d’une semaine, dans son temps de parole, il a raillé le leader des Patriotes, Ousmane Sonko, en parlant de son affaire avec Adji Sarr. « J’invite les tailleurs du Sénégal à fabriquer des ceintures en fer car beaucoup de gens de l’opposition ont la gâchette facile et n’hésitent pas à faire du n’importe quoi avec des filles », a-t-il dit juste après l’intervention de Guy Marius Sagna lors du passage du ministre Oumar Sarr en charge des Mines et de la Géologie. Sentant que ses propos étaient déplacés, il a essayé de s’expliquer en soutenant que : « Ce n’est pas bien d’entendre mes propos mais il faut que les gens le disent. Ces membres de l’opposition sont capables de tout », a-t-il ajouté. Tandis que les gens du pouvoir, eux, c’est bien connu, sont des saints !
« Farba, Farba, Farba »
Du matin au soir, le député maire des Agnams est vissé à son siège de député et sort rarement de l’hémicycle. Et c’est presque toujours en fin de plénière qu’il prend la parole, bien avant les présidents de groupes parlementaires. A chaque fois que le président Amadou Mame Diop prononce son nom, il est applaudi par ses collègues députés de Benno Bokk Yakaar. « Farba, Farba, Farba », entend -t-on scander dans la salle quand le richissime griot du président de la République s’approche du pupitre, le plus souvent habillé en boubou traditionnel. Lors de ses interventions, il explique à chaque fois son vote et attaque ses collègues de l’opposition qui refusent d’adopter les projets de budget des ministres du gouvernement Amadou Ba dont il fut très proche à un moment donné avant de lui tourner le dos pour ensuite filerle grand amour avec lui.
Très relax, il se permet même parfois de rigoler avec ses collègues de l’opposition. C’est le cas avec Abba Mbaye, un des secrétaires élus qui profite des jours où il prend place à côté du président de l’Assemblée nationale pour le taquiner à chaque fois qu’il prend la parole. Lors du passage du ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Mansour Faye, Farba Ngom, lors d’un petit attroupement, avait braqué ses yeux sur une élue de l’opposition pour lui demander en pulaar de se taire déclenchant de belles tranches de rigolades. Et à chaque fois qu’il y a une altercation, il est le premier à aller au front, ce qu’il ne faisait pas avant. A chaque intervention d’un député de BBY, il se plait à retenir certaines paroles qu’il répète parfois dans son temps de parole comme s’il contrôlait ses camarades. Même le président de l’Assemblée n’échappe pas à ce qui semble être un contrôle comme lors d’une plénière où le député, d’un geste rapide, a communiqué ce qui ressemblait à un ordre à Amadou Mame Diop. Celui-ci, hochant de la tête, a semblé dire oui à son « patron ». Quelques minutes après, Farba a été invité à prendre la parole. C’est au moment du vote que sa voix devient plus audible. « Chers Sénégalais, vous avez bien vu les députés de l’opposition qui se disent sénégalais, mais refusent de voter le budget. Ils ne veulent pas que vos conditions de vie changent, ils ne veulent pas que les salaires soient payés à temps ou que les bourses des étudiants soient payées », a-t-il lancé avec sa grosse voix. Du côté des députés de la majorité, ils sont nombreux à le saluer et le remercier même quand il quitte la salle pour quelques minutes. Une députée a été obligée de répéter les propos tenus à l’endroit de Farba Ngom quand ce dernier est revenu à sa place après un court déplacement. C’est dire…
