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IL EST TEMPS QU’ON FORME DE BONS SEMENCIERS

Fleuron de la formation agricole, l’École nationale des cadres ruraux (Encr) de Bambey, devenue Institut supérieur de formation agricole et rurale (Isfar) est l’une des plus anciennes écoles de formation en Afrique de l’Ouest. Créée en 1960, elle a formé 55 promotions, soit plus 2050 ingénieurs des travaux dont plus de 1700 Sénégalais et 377 étrangers de 21 nationalités. Dans cet entretien, le directeur, un ancien de l’Isfar, revient sur les difficultés que rencontre cette école. Serigne Modou Sarr préconise un paquet de mesures pour une autosuffisance alimentaire.

Vous dirigez depuis 2021 l’Isfar, comment se porte la formation ?

Nous n’avons pas de problème avec la formation. Nous sommes l’une des rares écoles où il n’y a pas une seule journée de grève durant toute l’année depuis 2 ou 3 ans. Malgré les difficultés que nous vivons, le Per (Personnel enseignant et recherche) et le Pats (Personnel d’appui technique et de services) sont mobilisés pour anticiper sur des problèmes. Ce qui fait que nous avons un calendrier scolaire non perturbé. Nous avons 350 étudiants répartis dans les quatre départements : le département Production forestière, le département Production végétale, le département Production animale et le département Conseil, formation et développement. Il y a aussi le centre d’application pratique qui est une année préparatoire. Chaque département abrite une formation. On forme des ingénieurs des travaux en agriculture, en des travaux des eaux et forêts, en élevage… Nous avons aussi la licence professionnelle agricole et rurale au niveau du département Conseil, formation et développement qui abrite un master en développement agricole et rural…

Votre intégration dans l’université a-t-elle été facile ?

C’est un peu difficile car on avait l’habitude d’être une école nationale et avoir une certaine autonomie sur beaucoup de choses. Mais maintenant, avec les procédures administratives et financières qui changent, tous nos programmes sont chamboulés. Par exemple, pour engager de l’argent, il faut que l’agence comptable valide d’abord. La procédure est vraiment lente. Et malheureusement, les étudiants ne le comprennent pas. C’est pourquoi on essaye toujours d’anticiper.

Avez-vous le budget nécessaire pour conduire la recherche et la formation ?
Le budget est insuffisant. Il y a les collectes de services sans lesquelles l’école n’allait pas fonctionner. Nous avons besoin d’une augmentation du budget.

Vos produits ont-ils des débouchés juste après la formation ?
L’emploi n’est pas garanti au Sénégal, il n’est pas automatique comme dans les formations en sécurité. Mais depuis 3 ou 4 ans, il y a un recrutement massif qui est opéré au niveau du département des eaux et forêts. Tous nos sortants de ce département sont recrutés. La preuve, cette année, au mois d’août, on a lancé un recrutement de 30 ingénieurs des travaux et ce qu’on a sur le marché ne dépasse pas 60 étudiants. Mais dans les autres secteurs, comme celui de l’élevage il y a un problème qui doit être réglé par son ministère de tutelle.

Êtes-vous confrontés aux difficultés de la massification ?

Oui, c’est notre principale difficulté. Nous avons un problème de capacité d’accueil avec nos infrastructures qui sont construites depuis 1958. Et les bâtiments étaient dimensionnés pour les effectifs de 10 personnes, au maximum 20. Avec l’orientation de tous les étudiants depuis quelques années, on est obligé de diviser nos étudiants par cohorte de 110 personnes. Sur le plan social, ils sont obligés de s’entasser dans les chambres jusqu’à 10. Nous avons besoin des amphithéâtres, des salles de travaux pratiques, de laboratoires, et les enseignants ont besoin de bureaux pour travailler. C’est vraiment un cri du cœur. Si c’est résolu, nous sommes d’accord avec l’augmentation des effectifs.

Le ministère de l’Enseignement supérieur est votre tutelle mais est-ce que vous recevez des aides venant des autres ministères comme celui de l’Elevage ou de l’Agriculture ?

Non, on ne reçoit pas d’appui venant de ces ministères. Il arrive même qu’on sollicite des sortants de cet établissement pour nos activités.

Faites-vous de la pratique ici, à l’Isfar ?

Oui, on fait la pratique. Nous avons un centre d’application pédagogique. Mais à ce niveau aussi, on est confronté à un problème de matériels pour travailler. Cette année, on a mis en place une politique pour relancer les activités du centre. On a nommé un nouveau coordonnateur pour nous apporter des solutions pour la production. Les bâtiments sont en ruines. Nous avons besoin de clôturer notre réserve agro pastoral de 40 hectares. L’autre problème, c’est la pression des populations sur nos ressources en cherchant du bois. Il faut une sécurisation de l’espace de production. On est même confrontés à une divagation de porcs dans nos campus. Si on a les animaux d’élevage, je pense qu’on peut produire pour satisfaire le marché de Bambey et de Diourbel en termes de viande et de lait.

Vous êtes un sortant de cette école depuis 2003 et nous sommes à l’ère du numérique. Avez-vous pensé à moderniser la formation ?

Oui, nous y sommes depuis longtemps. Des innovations sur le plan pédagogique sont en train d’être faites. Nous avons une salle informatique qui est fonctionnelle. Au mois d’août, on va en retraite pour l’évaluation de nos maquettes et l’intégration de nouvelles formations et de nouveaux programmes.

Nous sommes dans la saison des pluies, en tant que technicien de l’agriculture, quels conseils donnez-vous aux paysans pour avoir un bon rendement ?

Il faut d’abord qu’ils aient des semences de qualité et qu’ils suivent les conseils des techniciens. La diversification aussi est très importante. En effet, si on prend le bassin arachidier, je pense qu’il y a deux spéculations majeures qu’on a l’habitude de cultiver : c’est le mil et l’arachide. Et pourtant on peut mettre en place d’autres cultures pour l’autosuffisance alimentaire parce qu’on a besoin de diversité de productions. Après, il y a les activités post récoltes. Pour éviter les pertes, il faut aussi une bonne conservation du produit.

Pensez-vous que les semences distribuées sont de bonne qualité ?

La qualité des semences fait débat. Ici, dans la région de Diourbel, les gens étaient obligés de retourner des semences parce qu’elles n’étaient pas bonnes. Je pense qu’il est temps qu’on forme de bons semenciers pour mettre sur le marché une bonne production. On ne doute pas qu’il y ait un problème de semences. Donc, il appartient à l’Etat, producteur de semences, de rectifier le tir. Il faut qu’il y ait aussi un contrôle avant toute utilisation parce que si vous achetez des semences qui ne sont pas de bonnes qualités, vous n’allez pas récolter.

Le même débat revient chaque année, selon vous, y a-t-il une solution durable ?

Oui. De mon point de vue, il faut qu’il y ait des agréments aux personnes qui doivent donner les semences, une certification. Au-delà de cette certification aussi, il faut impérativement un mécanisme de suivi d’évaluation pour permettre à d’autres d’importer des semences de qualité. Il faut libéraliser.
Comment se comporte le maraichage dans la région de Diourbel ?
C’est le maillon faible de la production dans cette région. Les gens sont confrontés à un problème d’eau. Mais on est en train de se débrouiller pour produire quelque chose de local parce que les étudiants en ont besoin pour comprendre.

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