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« IL FAUDRA ENCORE ATTENDRE DES DIZAINES D’ANNÉES POUR RÉSORBER CE PROBLÈME »

84 mm de pluies et Dakar est déjà sous les eaux. « Il est risqué, pour n’importe quel homme politique, de venir dire qu’il peut régler les inondations (du fait) de la complexité de la situation ». Une déclaration faite par Dr Cheikh Gueye, responsable de la veille et de la prospective à l’IPAR. D’autant plus que, regrette le géographe de formation, « le retard dans la préparation des questions d’inondations » est tel qu’il va falloir attendre « encore des dizaines d’années pour résorber ce problème de manière définitive ». Il l’a dit devant le Jury du dimanche (JDD) enregistré sous la pluie.

Faisant le diagnostic du problème, il a d’abord, évoqué « la mobilisation depuis 2004-2005, cette fameuse année où il y a eu beaucoup d’inondations à Dakar », rappelant que « c’est cette année-là que le président Wade avait décidé de prendre le taureau par les cornes, avec justement, par la suite, le plan Jaxaay et cette politique de restructuration de logements et donc d’anticipation. C’est vers 2007-2008 que l’idée d’avoir un programme décennal est née. »

« L’équivalent du même plan décennal, deux fois, trois fois avant une amélioration nette de la situation »

Ensuite, a-t-il ajouté : « il faut partir de l’irrégularité des pluies qui est un facteur très important. Parce que dans les années 1970, il y a des cycles de sécheresse. Pendant cette période, on a eu également la libéralisation de l’accès à l’habitat au Sénégal. Avant, c’était Sicap et Sn/Hlm principalement, qui construisaient et viabilisaient avec des systèmes d’assainissement, etc. Dans cette période, l’État favorisait deux éléments dont les coopératives d’habitat et les promoteurs immobiliers privés. C’est surtout dans cette période qu’on a eu l’installation dans beaucoup de zones non aedificandi ou défavorables à l’installation sécurisées des populations. On a commencé à voir des lotissements qui n’ont pas été bien préparées parce que justement les zones qui recevaient la pluie durant le cycle de sécheresse n’en recevaient plus. Après cette période-là, on a eu les années 90 qui ont vu le retard d’une certaine pluviométrie que l’on peut attribuer au changement climatique. Des grosses quantités qui tombent sur des durées très courtes. »

« Normalement, a-t-il mis un bémol, avec tous les investissements qui ont été réalisés depuis une vingtaine d’années, on aurait pu ne pas avoir certaines manifestations que nous avons connues. » Même si, a-t-il noté, avec près de mille milliards investis en dix ans, « des progrès » ont été enregistrés : « nous avons eu beaucoup de quartiers où les inondations ont été résorbés. Je peux prendre l’exemple de Ouest-Foire, du Fort B, de Dalifort. Même quand l’État avec le Plan Jaxaay ce nouveau plan, Médina Gounass, Guinaw rail, ces quartiers-là ont connu des solutions d’autant plus que dans ces zones-là la nappe phréatique est très haute et donc elle se conjugue aux ruissellements. »
Par contre, pour ne pas arranger les choses, « on est en train de reproduire les mêmes erreurs qui ont produit les inondations d’aujourd’hui dans toute la banlieue de Dakar », a alerté le Secrétaire permanent du Rapport alternatif sur l’Afrique (RASA).

Quelles sont ces erreurs ? « C’est le fait de ne pas planifier avec des plans d’assainissement clairs, nets et suivis des mises en œuvre. Ça, on ne l’a pas. On a une multiplication des lotissements dans toutes ces zones jusqu’à Diamniadio, donc, ce triangle, Dakar-Thiès-Mbour, sans prendre les mesures préventives. C’est-à-dire avoir des cartographies, avoir avec les moyens qu’il faut de satellite, pour déterminer au centimètre les détails des bassins versants pour voir où est-ce qu’on peut faire les lotissements ou pas. Comment on peut construire de manière plus efficace les systèmes de canalisation. »

Face à l’explosion immobilière mal maitrisée, il préconise « une plus grande rigueur même si certaines facilités sont données aux lotisseurs par le fait qu’il y a un besoin pour les Sénégalais d’acquérir un logement. Il faut changer d’approche. Il faut véritablement arrêter de donner des terres sans cahier de charges et qu’il y ait un plus grand contrôle par exemple un service comme la DSCOS, qui est perçue par les Sénégalais comme une Direction qui détruit à chaque fois que les gens construisent, qu’elle puisse être beaucoup plus dans la prévention, et qu’on ait des solutions de ce point de vue là pour parer au problème ».

Enfin, il a pointé du doigt un problème de vision par rapport à l’aménagement du territoire, arguant « qu’on a perdu beaucoup de temps entre 1970 et 1990. Quand j’étais étudiant à la Direction de l’aménagement du territoire, ils ont mis presque quinze ans à faire un plan national d’aménagement du territoire. Entre temps, la situation sur le terrain a beaucoup évolué. Donc, c’était un plan pour rien. Depuis dix ans, il y a une agence de l’aménagement du territoire (ANAT), qui est représentée un peu partout au Sénégal, qui travaille dans la cartographie, mais dans quelle mesure est-elle écoutée ? Dans quelle mesure ses plans sont réalisés ? ».

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