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QUELQUES RÉFLEXIONS EN PRÉLUDE AUX ÉLECTIONS DE FÉVRIER 2024

La configuration politique actuelle de notre pays ne saurait être analysée sans contextualisation dans le monde actuel. Le monde est en profond désarroi, et la conjoncture mondiale donne le sentiment d’être le prélude d’un grand bouleversement géostratégique dont nous, Africains, serions les spectateurs voire les victimes collatérales.

La guerre froide suivie de la disparition de l’URSS, puis de la globalisation, est en train de donner naissance à une nouvelle configuration impliquant l’Occident soucieux de conserver ses acquis sur la marche du monde, et de l’autre, les pays « émergents » qui ont atteint le stade industriel, désireux de former un nouveau pôle alternatif qui s’affranchirait du système monétaire international actuel, ainsi que des règles commerciales et financières internationales instituées par les pays occidentaux pour leur propre intérêt. Dans ce qui s’apparente à une guerre, l’Afrique est sommée par les USA et l’Europe de s’aligner selon la règle bien connue du « qui n’est pas avec moi est contre moi ». Les pays africains autrefois tentés par le non alignement y vont aujourd’hui en rangs dispersés. Cela n’empêche qu’ils subissent de plein fouet les conséquences de cette guerre, dont le point focal est présentement le conflit militaire en Ukraine.

 Au plan financier, le Covid et la guerre russo ukrainienne ont tari les flux financiers habituellement orientés vers nos pays, sous forme de ressources financières à taux concessionnel pour le financement de projets « longs » et les flux d’IDE. Les urgences seraient ailleurs pour nos partenaires financiers habituels, si l’on sait que l’engagement pris durant la crise sanitaire de rajouter 66 milliards de dollars de DTS aux 33 milliards octroyés à l’Afrique par le FMI (sur une manne globale de 650 milliards de dollars) n’a pas encore été tenue à ce jour.La rareté de ressources financières qui en résulte, a conduit à un recours plus fréquent au marché financier obligataire à l’intérieur de nos zones monétaires, avec comme conséquence l’alourdissement des échéances de remboursement, lestées par des taux d’intérêts au taux du marché.

Le Sénégal n’échappe pas à cette situation.

Au plan politique, avec les résultats des dernières élections législatives, le Sénégal est coupé en 2, avec une majorité parlementaire de la coalition au pouvoir et celles de l’opposition faisant jeu égal. Au plan politique, la conjoncture politique est largement tributaire de la configuration des résultats des dernières consultations électorales qui se sont soldées par une défaite politique du pouvoir en charge de la marche du pays, avec comme effet majeur le resserrement de la marge de manœuvre du Président de la République, contraint à court terme de réimaginer les voies et moyens de conservation de son pouvoir, ébranlé par la perte d’environ 40 sièges par rapport à la législature précédente. On ne dénote aucune volonté manifeste de l’opposition de rejoindre le pouvoir comme cela fût le cas avec le gouvernement de majorité présidentielle élargie rassemblant l’opposition autour du Président Abdou Diouf avec Me Abdoulaye WADE dans le gouvernement.

Les positions sont figées, sans doute lestées par des contentieux lourds entre pouvoir et opposition, mais aussi l’absence de volonté manifeste de dialogue de la part du Président de la République. Les principaux leaders ont tous été embastillés ou menacés de l’être par le pouvoir de Macky SALL, au point de rendre difficile toute politique de rassemblement politique autour de l’essentiel dans cette période de tensions extrêmes dans le monde. Pour caractériser la situation politique, le seul qualificatif qui nous vient à l’esprit est : « inextricable, pouvant mener le pouvoir à l’impasse» !

Des défis majeurs attendent le Président Macky Sall

Il s’agit pour lui de mettre en place une stratégie lui permettant de gouverner durant les 16 mois à venir, sans se compromettre avec une opposition qu’il s’est évertué durant 10 ans à “réduire à sa plus simple expression “, tout en gardant l’œil sur sa propre coalition minée par la sédimentation des frustrations de militants s’estimant pas ou peu servis durant son magistère.

Dans l’immédiat… Il y a obligation pour lui de choisir un Président de l’Assemblée consensuel pour éviter les surprises désagréables qu’un vote secret peut générer, de même que la formation d’un bureau de l’Assemblée ne faisant pas l’unanimité. Il y a lieu de former le nouveau gouvernement dont la lenteur renseigne sur la recherche de savants dosages. Il y a lieu de tenir tête à une opposition bien fournie en sièges à l’Assemblée nationale pour ne pas perdre au change, car le débat politique va se déplacer de la rue à l’Assemblée où les forces sont quasi égales. il y a lieu de gérer les nouvelles propositions de lois et d’enquêtes parlementaires que l’opposition a promis de déposer sur la table de l’Assemblée, ce qui laisse présager une attitude de poursuite du combat politique et non une « paix des braves » d’ici à l’horizon février 2024. Il est enfin urgent de se prononcer sur la candidature de l’Apr et commencer à préparer une campagne avec des ténors politiques désabusés, parce que défaits aux élections locales et législatives passées.

Face à ces multiples défis, le sentiment qui se dégage est que le Président de la République a décidé de “voir venir”, pour éviter de commettre la faute politique fatale, et laisser l’opposition commettre celles qui la discréditeraient aux yeux des populations. Nul doute que les évènements à venir ne se dérouleront pas de manière linéaire, et nul ne saurait être à l’abri de surprises désagréables. .Pour conclure, le Sénégal est dans l’attente d’une législature prenant en compte les intérêts des populations. Il est circonspect et en proie au scepticisme, parce qu’échaudé par le comportement de certains hommes politiques, accordant une place excessive à l’intérêt personnel au détriment du mandat reçu de leurs électeurs.

Au-delà de la nécessaire reddition des comptes et de l’éthique en politique, les populations attendent des propositions concrètes permettant de baisser le coût de la vie, d’impulser les activités créatrices d’emplois via la création d’institutions adaptées. Elles veulent des progrès en termes de prise en charge de leur santé et de l’éducation de leurs enfants, ainsi que l’amélioration de leur cadre de vie, la fin de l’impunité et enfin davantage de démocratie et d’éthique de la part de la classe politique. C’est le lieu de constater pour le déplorer que les programmes économiques des coalitions n’aient pas l’importance qui devrait leur être accordée. Du côté du pouvoir en place, aucune reddition n’est faite sur le déroulement du PSE, sauf que l’on accole à des réalisations comme le TER et le BRT.

Le rôle moteur du secteur privé dans la croissance et la création d’emploi, les engagements de création d’institutions financières pour financer l’investissement ne semblent plus à l’ordre du jour. L’opposition qui ambitionne de prendre le pouvoir en 2024 n’a pas encore la coalition économique qui lui permettrait d’enclencher sans tarder les réformes nécessaires à l’application d’un programme économique consensuel.

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