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VOX POPULI, VOX DEI

Mahmouth Saleh, alias Raspoutine, l’intrigant directeur de cabinet du président de la République avait eu l’imprudence de les présenter sous forme de référendum et l’opposition l’avait pris au mot en lui disant « chiche ! » Il est vrai que c’est pour les élections locales de janvier dernier que le trotskiste théoricien des coups d’Etat « debout », « rampant » etc. avait lancé ce défi mais, pour les Sénégalais, depuis lors, chaque scrutin est, justement, un référendum pour ou contre la possibilité pour l’actuel président de la République d’effectuer un troisième mandat au mépris de ses engagements maintes fois réitérés et aussi de ce que dit la Constitution de 2016. Une charte fondamentale à laquelle, à présent, certains opportunistes veulent faire dire ce qu’elle ne dit pas.

Toujours est-il que si ça avait balancé lors des élections locales, la majorité et l’opposition ayant fait jeu presque égal — encore que, au lendemain de ce scrutin, j’avais soutenu dans un éditorial qu’on avait en réalité assisté à un basculement de majorité —, depuis le 31 juillet le doute n’est plus permis puisque nos compatriotes, en accordant moins de 47 % de leurs suffrages aux listes de Benno Bokk Yaakar (BBY) ont répondu clairement « non » à la volonté prêtée au président Macky Sall de jouer les prolongations en 2024. C’est clair, net et sans appel. Sauf à vouloir, comme disent les Wolofs, « prolonger la chute » au risque de la rendre plus dure encore…

Dès lors, le président de la République, auquel l’alignement des astres n’est absolument pas favorable ces temps-ci, doit tirer la leçon de ce message sans ambiguïté que lui ont adressé les Sénégalais il y a huit jours, à savoir qu’ils ne souhaitent pas qu’il brigue un mandat supplémentaire. Tirer la leçon c’est-à-dire partir avec les honneurs et par la grande porte dans à peu près 18 mois. Quitter avec panache et ne pas rater sa sortie. Cela suppose d’abord qu’il achève quelques-uns de ses chantiers en cours étant donné que, de toutes façons, dans une démocratie, un président de la République élu ne peut jamais terminer tous ses chantiers. Comme disait fort justement quelqu’un, il inaugure des infrastructures dont il n’avait pas posé la première pierre — à l’image, pour ce qui est du président Sall, de l’Aéroport international Blaise Diagne initié par son prédécesseur — et il pose des premières pierres de chantiers qu’il n’inaugurera pas.

Ainsi va la vie en démocratie… Mais enfin, cela dit, le président Sall peut « accélérer la cadence » — selon la célèbre formule de son ancienne Première ministre et tête de liste nationale lors des dernières législatives, Aminata Mimi Touré. En particulier terminer la construction de ces nombreuses universités dont les travaux ont été lancés en grande pompe et patinent depuis, si l’argent devant servir à réaliser une d’entre elles au moins n’a pas été détourné par un entrepreneur devenu aujourd’hui président de l’Assemblée nationale de son pays et reçu avec le tapis rouge il y a quelques jours à Dakar !

On pourrait aussi mentionner les chantiers de la deuxième phase du TER devant le mener jusqu’à Diamniadio, le prolongement de l’autoroute à péage sur le tronçon Mbour-Kaolack ou sur l’axe Thiès-Tivaouane-Saint-Louis en longeant la côte. Sans compter, aussi, la reconstruction à neuf de l’hôpital Le Dantec pour en faire un établissement de niveau 4. Un patrimoine national qui devrait être délesté au passage, hélas, de la moitié de son assiette foncière vendue pour financer sa reconstruction !

Autant donc dire que le président de la République aura besoin cette fois-ci de travailler en mode « fast-track » pour de vrai et non pas seulement dans les di-scours comme c’était le cas jusqu’ici, dans la réalité les choses ayant plutôt fonctionné en mode « very slow track ».

Pour mettre en musique tout cela, il faudra un gouvernement de professionnels et non pas d’amateurs dont la seule référence est leur appartenance au parti présidentiel voire à la coalition qui le soutient ! Nous n’avons eu de cesse de l’écrire dans ces colonnes : le gouvernement qui termine sa mission dans quelques jours, à une dizaine de membres près — pour être généreux — était composé de ministres notoirement incompétents. De plus, il était pléthorique avec des compétences — ou, plutôt, des incompétences ! — se chevauchant, ces messieurs et dames marchant sur les plates-bandes les uns des autres. C’était une véritable auberge espagnole dans laquelle on ne savait pas trop qui faisait — ou ne faisait pas ! — quoi.

Le fait d’avoir prorogé le bail de cette équipe manifestement à bout de souffle depuis longtemps et pédalant dans la choucroute n’a fait qu’aggraver les choses. Pour dire qu’il faudra au président de la République une équipe qui, à défaut de faire des miracles, qui n’existent bien évidemment pas, devra à tout le moins mettre les bouchées doubles et, encore une fois, appuyer sur l’accélérateur des réalisations. Cela suppose des femmes et des hommes immédiatement opérationnels et qui n’attendront pas d’être nommés au gouvernement pour faire leur apprentissage.

Le monde dans lequel nous vivons étant éminemment complexe, avec les deux crises du Covid-19 et de la guerre en Ukraine comme facteurs aggravants, pour y faire face il faut des gens très au fait justement des affaires contemporaines, bien formés et ayant une solide expérience professionnelle. Des gens qui aient fait leurs preuves ailleurs et qui, une fois qu’ils auront mis le pied à l’étrier du gouvernement, fonctionneront au quart de tour sans période d’apprentissage ou de rodage. Car 18 mois, c’est déjà demain !

Bien entendu, le Premier ministre qui sera nommé devra présenter le même profil. Si le président de la République peut trouver un tel homme ou une telle femme dans son parti, ce serait l’idéal et il aurait réussi à dénicher l’oiseau rare. Il faudra surtout un gouvernement qui prenne le taureau par les cornes et sache signifier aux Sénégalais que la récréation est terminée. Tandis que les pays développés eux-mêmes, ceux vers lesquels nous nous tournons pour faire la manche, s’ajustent douloureusement face à la crise énergétique, revoient leurs modes de consommation sur le plan alimentaire et se mettent en mode austérité, pendant qu’un pays comme la Côte d’Ivoire vient de constituer un gouvernement resserré et vend des bijoux de famille — les actions de l’Etat dans Orange CI — pour financer ses réalisations, on ne comprend pas ce qui a pris le président de la République d’augmenter de manière plus que substantielle les salaires des fonctionnaires qui non seulement ne font pas 1 % de la population mais encore sont hyper-privilégiés par rapport au reste de la population.

En pleine crise, c’est bien le moment de faire des cadeaux généreux mais ce genre de libéralités, ça se paye cash ! Fermons la parenthèse. Sur le plan politique, il faudra bien que le président de la République se choisisse un dauphin à supposer qu’il ne soit pas trop tard pour le faire. Dix-huit mois pour imposer un poulain dans une course présidentielle, cela semble assez court sauf à être doté de formidables qualités de sprinter. L’ennui c’est que, dans ce genre de compétition, il faut être plutôt coureur de fond car c’est bien connu que, comme le lièvre de la fable l’a appris à ses dépens, rien ne sert de courir il faut partir à point !

Trouver parmi ses partisans quelqu’un qui soit compétent, loyal et fidèle mais aussi charismatique pour séduire les Sénégalais, cela s’apparente à la quadrature du cercle. Surtout, surtout, il faudra que le président Macky Sall, comme il a promis de le faire du reste après ces législatives, édifie les Sénégalais sur ses intentions pour 2024.

Certes, ces derniers ont rejeté toute perspective de troisième mandat mais les choses auraient l’avantage d’être plus claires si lui-même déclarait solennellement qu’il exclut de solliciter leurs suffrages au terme de son actuel bail. Et ne revienne surtout pas leur dire après, comme il nous avait fait le coup avec l’histoire de la réduction de la durée de son mandat, qu’il voulait bien partir en 2024 mais que son Conseil constitutionnel s’y oppose !

Pour le reste, nous lui souhaitons d’avoir la main heureuse et de trouver un Mohamed Bazoum plutôt qu’un Ould Ghazouani. Le premier, actuel président du Niger, traite avec tous les honneurs son prédécesseur dont il était le dauphin tandis que le second, qui était l’homme de confiance du président Mohamed Abdel Aziz qui l’avait choisi pour lui succéder, n’a pas tardé, une fois arrivé au pouvoir, de le jeter en prison !

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