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ENTRE POLÉMIQUE ET RUPTURE, OUSMANE SONKO COMPTE BIEN POURSUIVRE SON ASCENSION

À 49 ans, sorti renforcé des législatives, Ousmane Sonko est un poids lourd de la politique au Sénégal. Ce ténor de l’opposition n’en est pas moins polémique, accusé de viols répétés sur une jeune femme ce qu’il nie. Il est surtout l’élu de coeur d’une partie de la classe moyenne et de la jeunesse du pays. Il accuse Macky Sall et la France de l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle. Il s’est déclaré candidat le 18 août dernier, avant tout le monde. Portrait. 

Il est loin, le temps où Ousmane Sonko officiait en tant qu’inspecteur principal des impôts. Le poste était certes prestigieux, mais depuis, l’opposant s’est un peu plus affranchi des chiffres, pour rejoindre le monde verbeux des figures politiques. Le passage ne s’est peut-être pas fait tout en douceur, mais l’ascension elle, est fulgurante, en tout cas autant qu’elle puisse l’être à l’échelle de la politique. 

Une ascension éclair 

En 2014, il crée son propre parti, « Pastef les patriotes ». En 2016, il est radié de la fonction publique, selon des informations du journal Le Monde, pour avoir accusé le frère de Macky Sall de fraude fiscale. Il devient célèbre. Trois ans plus tard, le voilà élu député. En janvier, il est élu maire de Zinguinchor, principale ville de Casamance. La suite est connue de tous, au delà-même des frontières sénégalaises. En 2019, il brigue la présidence et arrive troisième. Jusque-là un opposant parmi d’autres, il est aujourd’hui le seul à pouvoir faire face à Macky Sall, les autres opposants ayant pour la plupart rejoint la coalition présidentielle. 

Aux législatives du 31 juillet dernier, Sonko fait vaciller la majorité présidentielle grâce à l’alliance de sa coalition « Yewwi Askan Wi » (« Libérer le peuple » en wolof) avec celle de « Wallu Sénégal » (« Sauver le Sénégal »), menée par l’ex-président Abdoulaye Wade. L’alliance obtient 80 sièges face aux 82 sièges du parti présidentiel. Le chiffre est historique. Le camp présidentiel conserve la majorité absolue d’une courte tête grâce au ralliement d’un député élu. 

« La coalition au pouvoir est à bout de souffle. La cherté des denrées, le renchérissement du prix de l’eau, les pratiques autoritaires autour des manifestations suivies de morts, expliquent ce vote-sanction contre le président« , souligne à l’AFP l’analyste politique Maurice Soudieck Dione.

Souverainisme et panafricanisme 

Ousmane Sonko est un défenseur du panafricanisme et encourage les solidarités avec d’autres pays d’Afrique. Il a notamment affiché un soutien appuyé au colonel Assimi Goïta, à la tête des autorités de transition du Mali, s’étant emparées du pouvoir suite à deux coups d’État en 2020 et 2021. Il dit « encourager le président Assimi Goïta parce qu’il n’a pas perdu la face ».

Sous sa direction, le Mali s’est détourné de la France et de ses anciens alliés et s’est tourné vers la Russie.

Ousmane Sonko tient d’ailleurs un discours souverainiste. Il défend l’indépendance du Sénégal et dénonce l’ingérence de la France dans les affaires du pays. L’ancienne puissance coloniale et les multinationales auraient selon lui une emprise économique et politique sur Dakar. Le responsable politique accuse également le président en exercice, Macky Sall, de travailler de concert avec la France pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2024. 

Selon lui, M. Sall serait à l’origine des dossiers « de terrorisme, de rébellion, de viol imaginaire fabriqués avec le soutien de la France ». 

Ousmane Sonko s’adresse aussi à la population avec un discours social, dénonçant les élites du pays et la corruption. Ses détracteurs l’accusent de populisme. Ses nombreux partisans voient plutôt en lui un homme intègre, religieux, honnête.

Une ombre au tableau 

Il est certes le champion de l’opposition, d’une partie d’une jeunesse issue de la classe moyenne et de petits fonctionnaires s’estimant mis à l’écart de la croissance économique. Pourtant, Ousmane Sonko traine avec lui des casseroles. Entre juin 2020 et février 2021, il est accusé d’avoir violé à plusieurs reprises une masseuse. Adji Sarr a aujourd’hui 22 ans. Depuis février 2021, elle vit comme une prisonnière dans la maison de sa tante, protégée en permanence par trois policiers. 

Elle est encouragée à porter plainte par ses collègues, dit-elle dans une interview avec le journal Le Monde, le 2 février 2021, après avoir témoigné de plusieurs viols perpétrés par Ousmane Sonko au sein du salon de massage dans lequel elle travaille alors, dans un quartier résidentiel de Dakar. Elle accuse publiquement le chef de file politique. L’immunité parlementaire de Sonko est levée. Soutenu par ses partisans et d’autres responsables politiques qui parlent de « complot », il se rend à sa convocation au tribunal le 3 mars 2021. Sur le chemin, il est arrêté pour « troubles à l’ordre public » par le pouvoir en place. 

Sonko, celui qui draine les foules

Le pays s’enflamme. Des milliers de jeunes en colère sortent dans les rues. Leur icône sous les barreaux, ils se mettent à jeter des pierres, s’attaquent aux supermarchés, les pillent. Face aux forces de l’ordre armées de gaz lacrymogènes et de jets d’eau, treize personnes meurent, près de 600 personnes blessées, selon les chiffres de la Croix Rouge. Les émeutes ne prennent fin qu’au 8 mars, jour de la libération d’Ousmane Sonko. 

Depuis, l’enquête piétine. Le camp d’Ousmane Sonko accuse le régime de vouloir éliminer le principal opposant à Macky Sall, dont on ignore encore les vélléités de se présenter une troisième fois à l’éléction présidentielle ce que lui interdit la Constitution en l’état.  

En juin 2022, de nouvelles manifestations éclatent dans le pays, entre jeunes en colère et policiers. Le parti d’opposition d’Ousmane Sonko est empêché de manifester. Il entendait protester contre l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la liste de YAW, sur laquelle Sonko concourait pour être réélu à l’Assemblée nationale.

Cela n’aura pas empêché le carton plein de l’opposition aux législatives, pour qui le scrutin ne serait qu’une répétition de la présidentielle de 2024. 

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